Lundi dernier, j’ai fêté le deuxième anniversaire de la publication de mon
livre « Moins de Souffle, Plus de Vie ».
A cette époque, je pensais que l’aventure venait de se terminer lorsque j’ai
annoncé à mes proches qu’ils pouvaient (enfin !) acheter leur exemplaire de mon
récit de vie. Erreur : l’aventure ne faisait que commencer. C'est à partir
de ce moment-là que j'ai fait de nouvelles rencontres, de personnes encore plus
touchées par la maladie mais encore plus décidées que moi à lui faire la
peau.
Durant les longs mois où j’avais mûri ce projet d’écriture, je m'étais nourrie
d’autres témoignages, d’autres récits. J’avais besoin de lire la souffrance des
autres, de mes frères et sœurs de galère (comme dans le journal intime de
Johann Heuchel, « Je vous ai tous aimés » ou celui de Jérémy
Vandurme, « Jusqu’à ce que la mort nous sépare »), de leur entourage
(comme dans l'hommage de Laurence Lemarchal à son fils, « Sous ton regard »), ou d’autres familles confrontées à
d’autres drames non moins terribles (merci Anne-Dauphine Julliand pour la
poésie de « Deux petits pas sur le sable mouillé »).
Une fois que j’ai pu partager moi aussi mon histoire, mes coups de coeur, mes
coups de gueule et mes coups durs, j’ai senti que j’avais franchi une étape de
plus dans la maladie. J’ai senti qu’elle me faisait moins peur.
En plus, ce témoignage m’a permis d’en récolter d’autres. Je ne me lasse pas
des commentaires que je reçois, qui me confortent dans l’idée que j’ai réussi à
transmettre de la force positive face à la maladie. Mes rayons de sourire sont
devenus des armes très efficaces pour contrer les mauvaises nouvelles de la
muco, et ça, c’est tout de même formidable.
Un jour, Blandine m’envoie un message pour m’exprimer l’intérêt qu’elle avait
eu à lire mon histoire, et elle m’invite à me plonger dans la sienne. C’est
comme ça que j’ai commandé le livre « Un bisou sur ta
peau salée ».
Par contre, je n’ai pas pu me lancer dans la lecture tout de suite. L’histoire
de Zélie, arrachée des bras maternels et transférée au CHU dès sa naissance, me
rappelait le vécu de mes parents. J’ai paniqué et j’ai refermé les pages sur
ces mots qui me faisaient peur. Ce n’est véritablement qu’à ce moment-là que
j’ai compris pourquoi certaines personnes de mon entourage n’avaient pas pu
lire les premiers chapitres de mon livre. Trop violents pour une maman. Or,
lorsque je me suis intéressée au parcours de Zélie, j’étais devenue maman à mon
tour.
Moi qui pensais m’être forgé une carapace par rapport à toutes les mauvaises
nouvelles de la muco, elle a été considérablement fissurée lorsque j’ai ouvert
le Bisou… Alors j’ai préparé ma bataille interne contre ce démon qui me faisait
à nouveau peur. Je regardais mon fils Adrien et je me disais que j’allais me
battre pour lui. Je me disais que l’amour d’une mère pouvait déplacer des
montagnes (et même tout un continent). Je me disais que la maman de Zélie avait
pris sur elle pour se livrer entièrement et transmettre ainsi beaucoup
d’énergie positive pour ceux qui souffrent face à la muco. J’ai
temporisé.
Le Bisou était là, bien visible sur mon étagère. D'ailleurs je ne pouvais pas
rater la myriade de couleurs et de bonne humeur qui décore sa couverture !
On se côtoyait mais on ne partageait rien d’autre. Il m’a fallu du temps. (Je
suis bien consciente que tout le monde n'a pas ce luxe.)
Et puis un soir, armée de mes rayons de sourire, j’ai ouvert à nouveau la
première page du Bisou. Je me suis dit que Zélie était encore en train de se
battre contre cette p*** de muco, et qu’elle entraînait sa famille, ses
parents, ses soeurs, tous ses amis. Je me suis laissée porter par l’énergie et
les sourires de Zélie, et je ne me suis plus arrêtée de lire avant d’arriver à
la dernière page.
J’ai reconnu les manières de faire du corps médical, tout comme la façon
sournoise de la muco de s’installer dans la maison, d’impacter le quotidien de
toute la famille, de bouleverser les emplois du temps, de balayer toutes ses
certitudes. J’ai ressenti la rage des parents, la frustration, les désillusions
face aux projets sans cesse remis en question. J’ai apprécié les moments de
tendresse, les remarques touchantes des grandes soeurs de Zélie, les réactions
enfantines qui proposent de tordre le cou à la maladie. J’ai ri, toute seule
dans mon lit, et j’ai laissé les larmes couler quand c’était trop difficile de
supporter tout ce que cette enfant doit endurer.
Mais l’essentiel, c’est qu’on puisse donner de l’espoir à Zélie et à toute sa
famille. Qu’elle puisse vivre des moments magiques, des instants d’éternité,
des souvenirs si forts et si beaux. La recherche avance, Zélie, elle avance
pour toi. Courage ! Nous ne laisserons pas la muco avoir le dernier
mot !
Rayons de sourire, accompagnés d'un bisou, lui aussi salé,
Jessica