En rentrant lundi après-midi, j’ai eu la surprise de trouver la nouvelle
Lettre Aux Adultes (« LAA » pour les intimes) dans ma boîte aux
lettres, avec un dossier spécial consacré aux médecines complémentaires.
Les informations contenues dans la LAA sont souvent denses, alors j’ai
l’habitude de la parcourir rapidement quand je la reçois, avant de lire chaque
article et chaque témoignage en détail.
C’est ainsi que je survole les différentes rubriques, jusqu’à la
dernière : la carte de Vini.
Aperçu de la LAA 65 - printemps 2013 - dossier « Vivre
ailleurs »
Pour ceux qui n’ont jamais lu la LAA, « la carte de Vini », c’est une
invitation au voyage, sur les traces de Vini et sa famille, qui ont sillonné
tous les continents. Une sorte de journal de bord de leurs pérégrinations,
illustré par des photos et raconté avec le ton humoristique de Vini. Vous vous
en doutez, c’est ma rubrique préférée de la LAA !
Sauf que cette fois-ci, mon regard est accroché par les deux lignes en gras et
en rouge à la fin de l’article.
« C’est avec une grande tristesse que nous apprenons le décès de Vincent
survenu le 29 juin. Nous te remercions pour tous ces voyages que tu nous as
offerts. Bon voyage Vincent. »
Je n’ai tout d’abord pas compris, je ne voyais pas pourquoi ces deux lignes
avaient été intégrées sur la page de Vini. J’ai relu ces deux lignes et soudain
j’ai été frappée par cet affreuse réalité : Vini est mort.
Mon estomac s’est noué, les larmes se sont mises à couler, le choc était trop
dur à encaisser, encore plus en étant seule à la maison. (A nouveau,
aujourd’hui en écrivant ces lignes, je suis submergée par le chagrin.) Je me
suis dit que j'allais faire un énorme câlin à Adrien en le retrouvant le soir,
que j'allais me nourrir de ses sourires et de sa joie de vivre pour affronter
ma tristesse. Mais voilà, il fallait bien passer le temps jusque-là. J'étais
incapable de prononcer un mot, les sons ne sortaient pas, seulement les
sanglots.
Vini fait partie de la génération des « vieux » mucos (des dinosaures
mêmes, ceux qui sont nés dans les années 70 !), des survivants qui ont déjoué
les pronostics des médecins qui ne leur donnaient pas dix ans à vivre (et
encore, c’était bien le maximum d’espérance de vie.) C’était un homme bon et
bienveillant. Il savait voir le verre à moitié plein, il n’avait pas peur de se
lancer des défis personnels (et de les relever !) avec beaucoup d’entrain.
C’est d’ailleurs grâce à lui que je n’ai pas eu peur de partir vivre à
l’étranger avec mon ordonnance et mon stock de médicaments.
D’aussi loin que je me souvienne, il a toujours fait partie de l’association
Vaincre la Muco et du Conseil des Patients. On se voyait aux Rencontres
Annuelles ou aux Assemblées Générales. Il avait convaincu mon mari que la muco
ne devait pas être un frein au projet de parentalité, et je lui serai
éternellement reconnaissant pour Adrien.
Quelle chance pour moi d'avoir pu croiser sa route de baroudeur, d'avoir pu
échanger sur des thèmes de fond, d'avoir pu rire de nos conditions de
patients.
Il va me manquer.
Sa philosophie de vie va me manquer.
Sa façon de vivre avec la muco va me manquer. (J’avais l’impression qu’il la
domptait plus qu’il ne la subissait.)
Je n’ose même pas imaginer la douleur de ses proches.
Raison de plus pour multiplier les instants magiques de nos vies, qui seront de
toute façon trop courtes. Comme le cite Anne-Dauphine Julliand, « il faut
ajouter de la vie aux jours, lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la
vie ».
Dans la foulée, j’ai contacté les gens que j’aime, pour leur rappeler que je
les aime, tant que j’ai l’occasion de leur dire. Ne soyons pas avares de
tendresse face à la dure réalité de la vie.
Paix à ton âme, Vini.
Rayons de sourire,
Jessica