Six mois après mon départ, je me retrouve à Madrid pour quelques jours de
vacances. J'ai bien choisi la période car le climat de ce début décembre est
très agréable. Le climat continental typique : air sec, grand soleil. On
ne sent même pas le froid.
Je me surprends à avoir soif en permanence. Il faut dire que mes sécrétions
sont nettement plus collées que d'habitude (et en plus je n'ai pas emporté mon
aérosol de sérum hypertonique pour fluidifier le mucus…). Ce matin j'ai sorti
un énorme crachat vert tout gluant... Mais il n'y avait rien d'autre,
heureusement !
J'ai pensé à mes séances de kiné du vendredi au collège, lorsque j'allais chez
Pierrette. Au mur de la salle de ciné étaient affichées des photos de lémuriens
du désert. Je me rappelle très précisément de l'une d'elles, celle qui était
pile sous mes yeux pendant toutes ces séances. C'était une famille de lémuriens
au complet, dressés comme des piquets, le regard vers l'horizon. C'est
peut-être difficile à croire mais pendant de nombreuses années j'étais
persuadée que les sécrétions que j'expectorais difficilement étaient des
lémuriens… Et la séance n'était pas terminée tant que je n'avais pas
reconstitué la famille au complet ! L'imaginaire des enfants, ça peut
aller chercher loin, n'est-ce pas ?? C'est vrai que leurs yeux globuleux
peuvent faire penser aux crachats visqueux…
Aujourd'hui ça va être dur de faire sortir toute la famille de lémuriens, car
je me porte plutôt bien et je ne suis pas très encombrée. Mais je me prélasse
sur un banc au soleil, ce qui me rapproche quand même de ces lémuriens du
désert ! Je n'ai pas de photos des posters de l'époque (et je n'ose pas
vous montrer une photo de mes crachats !) mais à défaut je vous envoie un peu
du soleil de Madrid, sauf que je suis tellement douée en informatique qu'il
vous faudra pencher la tête !
Rayons de sourire,
Jessica
Mathieu - 5 mars 1993
Quand Jeanne était née, les médecins avaient expliqué à ses parents qu’elle ne survivrait probablement pas à ses dix ans, parce que ses poumons se rétrécissaient au fur et à mesure. C’est pour ça qu’elle avait pleuré au bahut quand Amandine lui avait demandé si elle allait faire une boum pour son anniversaire. Elle ne voulait pas avoir dix ans, elle ne voulait pas admettre que son horizon de vie se rétrécissait. Mais grâce à sa maladie, elle avait un traitement de faveur à la cantine. Elle passait tout le temps au premier service, sans faire la queue, parce qu’après elle allait à l’infirmerie faire ses séances de kiné. Le mieux, c’était quand même le vendredi, parce qu’elle devait aller voir un autre kiné au centre-ville de Toulouse, et comme l’ambulance venait la chercher à 14 h, toute la classe avait l’après-midi libre. Ça, c’était tip-top !