Ce n’est pas comme si j’étais partie vers une destination exotique, et
pourtant mon appareil digestif a dû se croire en vacances au Maroc plutôt qu’à
Madrid. Rien de très surprenant à cela, je devrais avoir l’habitude de ce genre
de réaction dès que je change ma routine du quotidien. Pourtant je n’arrive pas
à m’habituer à ces désagréments du voyage, surtout pour une globe-trotteuse
comme moi !
Il suffit de très peu de choses pour chambouler mes intestins,
malheureusement ! Je ne suis donc jamais épargnée lors de courts séjours
et c’est sûr que ça peut gâcher la découverte des lieux de ressentir ces
éclairs au niveau du ventre de façon incontrôlée. Surtout quand je profite du
soleil pour faire de longues promenades avec Adrien ! Comment dire que les
toilettes publiques n’inspirent pas confiance ??
Augmenter les doses de Créon n’est pas toujours une bonne solution car je suis
presque à la limite de la dose maximale pour chaque repas et, pour l’avoir déjà
vécu, je préfère éviter tout ce qui risque de provoquer une occlusion
intestinale. Le mieux pour prévenir les douleurs insupportables, c’est
d’arriver à suivre mon régime de tous les jours, c’est-à-dire de manger
équilibré ! Cinq fruits et légumes par jour, trois laitages par jour, du
vert à chaque repas, ainsi que des féculents.
Les tapas de Madrid s’intègrent difficilement dans ce schéma, le vin espagnol
encore moins, alors ce n’est vraiment pas une surprise que je me retrouve pliée
en deux après une semaine en territoire ibérique. Il ne me reste plus que le
recours à la solution miracle quand je suis trop patraque. Merci au supermarché
du coin d’avoir fini par référencer de la compote ! C’est la seule chose
que je peux manger sans risque ! (En voilà, un nouveau régime mono-aliment
à tester pour ceux qui en ont marre des autres !!)
Et puis, c’est nettement plus difficile d’évoquer avec un tiers (aussi bien mon
mari, mon médecin, ma copine...) des problèmes digestifs plutôt que des
problèmes pulmonaires. Comme si ce n’était pas déjà assez dur de souffrir
physiquement lors de ces crises, s’ajoute la dimension psychologique, voire
carrément la honte dans certaines situations. Ce concept de « J’ai mal au
ventre » est finalement utilisé pour tout un tas de petits ou moins petits
bobos, pour ne pas effrayer notre interlocuteur et perdre toute pudeur. Chez
nous, c’est le mot de code « Je me sens en compote » qui permet
d’expliquer la situation sans rentrer dans des détails sordides. Ainsi je
culpabilise moins d’être malade.
D’ailleurs, il va falloir que je prépare mon intestin aux repas pantagruéliques
des fêtes de Noël... Si seulement j’avais moins bon appétit... D’un autre côté,
je suis persuadée que c’est plutôt bon signe, car les personnes qui font bonne
chère aiment également croquer la vie a pleines dents. Comme moi ! La muco
ne m’empêchera pas de me régaler du foie gras fait maison, non mais ! Je
prendrai juste un peu plus de Créon et de compote !
Rayons de sourire,
Jessica
Melanie – 11 décembre 1989
Pour commencer, Jeanne avait expliqué qu’elle prenait des gélules à cause d’une méchante maladie. On ne comprenait pas bien son nom, la mucoviscidose, mais elle l’avait écrit à la craie au tableau sans faire de fautes. La « muco », comme elle l’appelait, empêchait le pancréas de faire son travail pour la digestion des aliments. Normalement, le pancréas envoyait des enzymes pour couper tout ce qu’on mangeait en petits morceaux, mais dans le cas de Jeanne, il ne pouvait rien faire. La muco l’avait ligoté. Alors les petites billes que ma copine avalait, c’était un peu comme les enzymes du pancréas, elles aidaient à découper les aliments en tout petits morceaux. Sans les enzymes, tout serait bloqué dans les intestins et Jeanne aurait trop mal au ventre. Malheureusement, il n’existait pas de remède pour guérir cette maladie, et ma copine allait devoir suivre un traitement toute sa vie. Mais le bon côté, c’était que ce n’était pas contagieux, donc on ne risquait rien à être dans la même classe que Jeanne.