Depuis lundi, mon équipe accueille un nouveau stagiaire, ce qui a quelque
peu perturbé ma routine professionnelle. J’ai eu l’impression que mon handicap
invisible était devenu soudainement très visible. Il a dû se demander ce qui
cloche chez cette fille qui réagit assez bizarrement par rapport aux
autres.
Tout d’abord, lorsque le stagiaire est arrivé, il s’est empressé de me serrer
la main pour me dire bonjour. (D’ailleurs, heureusement que j’étais la première
fille du boulot qu’il rencontrait, sinon il m’aurait fait la bise, signe de la
culture de l’entreprise.) Forcément, il ne pouvait pas savoir que j’évite au
maximum la bise et le serrage de mains, que je dis bonjour seulement avec la
voix et sans contact physique avec autrui. Tout ça pour me protéger des risques
infectieux, surtout en période hivernale et avec tous ces virus qui
traînent.
Ensuite, je me suis sentie bête lorsqu’il m’a demandé de lui décrire une
« journée type », une fois que je lui avais expliqué les différentes
tâches que l’on gérait dans l’équipe. Au boulot, ma journée type à moi est très
courte, car je ne travaille que le matin. Je me voyais mal lui raconter
qu’après mes heures de travail, j’enchaîne avec mes heures de soins, les
aérosols, la séance de kiné respi, le ré-entraînement à l’effort, et surtout la
sieste pour récupérer. Tout ça pour préserver mon capital santé et avoir assez
d’énergie pour m’occuper d’Adrien une fois que la nounou rentre chez
elle.
Physiquement, j’ai dû lui faire un peu peur, car en ce moment j’ai toujours le
nez pris à cause du rhume (oui, je sais bien que pour les gens
« normaux », un rhume ne dure pas aussi longtemps, mais vous savez
bien que je suis une personne extraordinaire, dans le sens propre du terme) et
en plus de ça, ma toux grasse est assez impressionnante pour ceux qui n’ont pas
encore l’habitude de m’entendre tousser. Le stagiaire m’a proposé une bouteille
d’eau ou un bonbon au miel pour faire passer la toux. C’était vraiment gentil
de sa part, et là encore je n’ai pas eu le courage de lui expliquer que ça ne
suffirait pas à faire disparaître ma toux chronique. D’ailleurs, je bois
presqu’un litre et demi d’eau par matinée au bureau, et je continue à
m’éclipser plusieurs fois pour aller tranquillement tousser dans les toilettes.
Tout ça pour m’aider à dégager mes poumons qui accueillent toutes les bactéries
qui cherchent où se fixer.
Si j’avais accompagné mes collègues à la cantine, il aurait même observé ma
prise de médicaments et ma piqûre d’insuline. Tout ça pour me permettre de
manger comme les autres et de limiter les maux de ventre post-digestion.
Lorsque l’ancienne stagiaire était arrivée dans l’équipe, c’était en septembre
et j’étais en plein dans ma campagne de communication pour les Virades, donc
tous mes collègues avaient entendu parler de la muco. Aujourd’hui, je me
demande vraiment comment aborder le sujet. Certes, le livret pour les collègues
préparé par l’association Vaincre la Mucoviscidose est un très bon outil pour
amorcer la discussion. Mais une partie de moi m’incite à ne pas le faire. Après
tout, je n’ai de compte à rendre à personne. J’attendrai que le sujet vienne
naturellement sur le tapis.
Rayons de sourire,
Jessica