Parler de sa maladie au bureau, c’est un sujet extrêmement délicat.
Je comprends la posture des patients qui ne souhaitent pas du tout communiquer
sur la maladie. La mucovicidose est une maladie qui ne se voit pas, on a donc
le choix d’en parler ou non à ses collègues. Par contre, une fois qu’on lève le
voile sur la maladie, on ne peut pas prévoir leur réaction : vont-ils nous
prendre en pitié ? (C’est une possibilité qui ne nous enchante guère.)
Vont-ils interagir différemment avec nous une fois « qu’ils
savent » ? Vont-ils comprendre notre combat du quotidien qu’implique
la gestion de la maladie ? (Probablement pas.) Vont-ils nous raconter les
problèmes de santé de leur famille ? Vont-ils nous poser des questions qui
nous dérangent ? Ou que sais-je encore ?
En ce qui me concerne, j’ai toujours fait le choix de jouer cartes sur table.
Je n’ai pas peur d’avouer que je suis malade.
A l’école, tous les élèves étaient au courant de ma maladie. Au primaire, la
maîtresse surveillait que je prenne correctement mes médicaments. Au collège,
la Conseillère Principale d’Education m’avait donné un ticket prioritaire pour
la cantine pour organiser mon déjeuner et ma séance de kiné sur la pause repas.
Au lycée, je bénéficiais de la même organisation. Durant mes études
supérieures, les professeurs étaient toujours compréhensifs lorsque je
demandais des aménagements (report d’examen, salle en rez-de-chaussée, zones de
travail non-fumeur…)
Les faveurs se sont brusquement arrêtées en entrant dans la sphère
professionnelle. A partir du moment où je suis devenue employée (à Londres), je
n’avais plus droit à quelconque aménagement et je devais fournir encore plus
d’efforts pour démontrer à mon employeur qu’il avait raison de parier sur moi
plutôt que sur le voisin.
Lors de mon retour en France, j’ai grandement apprécié de bénéficier de la
Reconnaissance de Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH, délivrée par la
Maison Départementale des Personnes Handicapées), qui m’a permis de poursuivre
une carrière professionnelle grâce à certains aménagements de mon poste de
travail (notamment, les horaires réduits).
C’est difficile de s’exposer au regard des autres, surtout en dévoilant ses
failles. Dans un environnement où le mot d’ordre se résume à « Marche ou
crève ! », on n’a pas vraiment envie de se montrer affaibli. D’où
l’importance d’être protégé, en tant que travailleur handicapé.
Les premières fois où j’ai parlé de ma mucoviscidose à mes collègues, je dois
dire que j’ai été assez déçue de leur réaction égoïste (indifférence complète).
Certes, je ne leur demandais pas de compatir, mais je pensais qu’ils allaient
s’intéresser à mon combat, ou au moins me poser des questions. Je n'ai pas
pensé que j'allais peut-être les mettre mal à l'aise, en abordant des sujets
intimes et délicats. On parle rarement de l'hôpital ou de la mort dans un
environnement de travail de bureau, et tant mieux.
Quand j’ai envoyé un message à tout le personnel pour leur parler des Virades
et leur demander de contribuer à ma page de collecte, j’ai essuyé un revers
cuisant. Seulement trois personnes sont venues me poser des questions, et les
autres sont restées dans leur attitude complètement indifférente. En bonne
optimiste que je suis, je voyais bien entendu le verre à moitié plein
(« Tu as réussi à sensibiliser trois personnes à ta cause, c’est un bon
début ! »), alors j’ai repris le flambeau chaque année. Bien m’en a pris,
car, au fur et à mesure des années, le petit nombre de personnes intéressées
progresse (à vitesse d’escargot, certes !).
Cette année, lorsque la responsable Ressources Humaines a proposé de lancer un
tournoi de baby-foot pour inaugurer la nouvelle acquisition du Comité
d’Entreprise (surnommée « Bonzini »), elle a pensé à moi. Elle m’a
donc contactée pour savoir comment organiser un tournoi de baby-foot qui
contribue à m'aider dans mon combat, et de là, elle a créé une page Mon Défi
dédiée : « Bonzini contre la muco » !
Vous n’imaginez pas comme j’étais heureuse ! J'étais très touchée de cette
attention. Comme quoi, j'ai bien fait de persévérer, et de ne pas m'arrêter à
un premier échec.
Petit clin d’oeil à mon histoire personnelle : c’est le duo Paul et Arthur
qui a remporté le fameux tournoi ! (Ceux qui ont lu mon livre « Moins de souffle, plus de vie » comprendront la
référence à ces deux personnes importantes de ma vie.)
Rayons de sourire,
Jessica