"Mucosaure" en plein essor !

En ce jour de fête nationale, je me permets de partager avec vous le témoignage (poignant) d’un patient muco qui a fêté son premier anniversaire de Kaftrio cette semaine.
Rappelez-vous, ce nouveau modulateur de CFTR est commercialisé en France depuis juillet 2021, ce qui a permis à de nombreux patients éligibles (de par leur profil génétique) de respirer à nouveau.
Voilà pourquoi l’association Vaincre la Mucoviscidose se bat depuis 1965.
Voilà pourquoi je milite pour des appels aux dons réguliers, qui contribuent à une amélioration significative de mon quotidien de malade chronique.
Voilà pourquoi les patients belges sont désemparés depuis que les négociations sur le remboursement du Kaftrio ont échoué le 30 juin dernier, ce qui a motivé l'association belge à lancer la campagne #sickofwaiting.
Le combat continue. Savourons les petites victoires remportées contre la maladie, et continuons à œuvrer pour atteindre l’objectif ultime : guérir la mucoviscidose !

Rayons de sourire, 

Jessica


Aujourd’hui cela fait un an jour pour jour que j’ai enfin ouvert mes canaux chlore grâce à Kaftrio.
Quel bonheur, quelle chance incroyable ! Je vous assure que je me le répète tous les jours.
Je suis passé de 26% à 57% de VEMS, pas de quoi taper des sprints mais suffisamment pour rendre le quotidien acceptable, porter mes courses, me débarrasser de mes extracteurs d’oxygène, retrouver la joie de vivre et ne plus jamais envisager la greffe #FingersCrossed. Ce qui pouvait m’arriver de plus beau, en somme. Je n'ai pas pris d'antibiotiques depuis un an et trois semaines, ça ne m'était jamais arrivé de ma vie. Et plus d'un an sans cure I.V. c'est une première depuis que j'ai commencé en 1990.
Un revirement inespéré après 47 ans de bataille finalement couronnée de succès. Car même si un tel chamboulement s'accompagne forcément de nouveaux questionnements et épreuves psychologiques, quoiqu’il m’arrive désormais, j’ai gagné la partie.
Difficile d’oublier ces dernières années de galère sans nom, les cures de plus en plus longues et de moins en moins efficaces, l’angoisse de l’EFR, les séances de kiné d’une heure matin et soir qui font vomir, des pertes de connaissance en pleines quintes de toux, l’impossibilité de faire 3 pas, la saturation à 88% au moindre effort, l’oxygène en consigne 5, les nuits entières passées assis dans le lit avec une toux incessante, le bilan pré-greffe (si éprouvant que j’ai peu de souvenirs de ces 5 jours, à part qu'on m'emmenait aux examens en fauteuil roulant), les idées très noires, l'effondrement psychique, la sensation de se débattre dans des sables mouvants, un PAC qui se bouche, un autre qui migre dans le cou et crée une thrombose, les longs séjours de réhab intense, loin de tout, parfois sans résultat, etc etc…
Bien sûr je reviens de loin. Je reviens même de l’ère des mucosaures (comme se qualifient les vieux mucos) où le slogan de l’AFLM était "En parler c’est déjà aider". J'ai été diagnostiqué à l'âge d'un an et demi, après une errance médicale classique pour cette maladie à l'époque. Les années 70, c’est l’ambiance morbide dans les services pédiatriques muco où l’on te regarde avec pitié et catastrophisme et l'on dit aux parents (et par conséquent aux enfants car nous n'étions pas sourds) de ne pas se faire d'illusions et qu'il est malvenu de faire des projets. Les prises en charge médicale et psychologique sont alors extrêmement sommaires.
C’est aussi la tente/bâche d'inhalation en plastique sur mon lit de bébé reliée à un compresseur qui envoie toute la nuit un brouillard (d'éthylène glycol d'après les souvenirs de mes parents mais sans certitude). Inutile de dire que ça ne sert à rien à part empêcher tout le monde de dormir à cause du bruit d'enfer.
Ce sont des dizaines de techniques de drainage des plus farfelues, du vibromasseur sur la cage thoracique aux contorsions improbables "pour tordre les poumons comme une éponge", en passant par d'étranges séances de vocalises en "AAAAAH OOOOOOH" et par le clapping la tête en bas ("en déclive") sur les genoux de mon père chaque soir devant Récré A2 (que je n’ai toujours vu qu’à l’envers. Pour moi Dorothée est une chauve-souris).
C'est le régime sans aucune graisse, les douleurs digestives à se taper la tête contre les murs pendant des jours, l’Eurobiol sous forme de poudre brunâtre infâme à chaque repas, avant l’apparition des extraits pancréatiques qui me permettront de manger mon premier morceau de beurre et ma première frite quand j'aurai dix ans.
Bref, pas de Créon, pas de Pulmozyme, pas de sérum salé, pas de drainage autogène… et pas de CRCM bien sûr. Une maladie (dont on ignore le gène responsable) totalement inconnue du grand public et des pédiatres qui commencent à s'y intéresser à Paris et à Lyon notamment, mais, désarmés et sans réelle emprise sur le caractère évolutif de la muco, ils assistent à ses dégâts sur les enfants.
Puis la découverte du gène mais les espoirs déçus de la thérapie génique dans les années 90.
Dès l'âge de 16 ans, les premières cures antibiotiques avec 8 perfs par jour. Le début d’une éprouvante série de 31 ans. 2 fois par an, puis 3 fois, puis 4, 5, 6 fois par an. Une bonne centaine de cathéters (avec la veine qui pète et l’antibio qui se diffuse sous la peau en pleine nuit, allez on repique), des milliers de perfusions avec des kilos de Fortum / Nebcine / Tazocilline / Ticarpen / Colistine / Axepim / Tienam / Azactam / Meronem / Ciflox / Pyostacine et de la cortisone en injections qui te fait passer l’aspirateur et nettoyer les vitres à 3h du matin.
A l'adolescence, des perfs d'Intralipide pour prendre du poids : un soluté blanc épais (de l'huile de soja) qui bouche les cathéters et traumatise les veines qui deviennent dures et douloureuses, allez on repique.
Des changements de régime permanents, du sucre, pas de sucre, du gras, pas de gras, du sel, pas de sel, des calories, moins de calories…
Les hospit’ la nuit et les cours la journée, ce qui n’émouvait pas outre mesure les profs qui ne m’ont jamais fait aucun cadeau et fustigeaient ma fatigue et mes absences.
Les cures I.V. de 3 mois en plein été.
Les perfs à 3 fois la dose recommandée qui fendent le crâne en deux et flinguent les tympans (j'ai perdu pas mal d'audition).
Une réaction allergique cutanée à la tazocilline qui m'emmène aux urgences une nuit.
Une bataille (gagnée) contre l’Aspergillus.
Les antidiabétiques oraux puis très vite les injections d'insuline, 4 ou 5 par jour.
Une demi-douzaine d'essais cliniques dont celui avec Orkambi peu concluant…
Last but not least, le médecin généraliste qui demande : "Vous avez la muco depuis quand ?"
Le manipulateur radio si positif : "Vous avez de la chance, habituellement les malades comme vous, à votre âge ils sont morts."
Le radiologue qui en regardant ma radio pulmonaire s'écrie "Mais qu'est-ce qui lui arrive à cet enfant ???"
La diabèto relativiste : "Vous avez la muco et du diabète, ok, mais ça pourrait être pire !"
Je leur en veux beaucoup. Il faut être solide quand on est jeune avec une maladie grave. Et professionnel quand on s'occupe de malades graves.
Tout cela, la jeune génération et les suivantes ne le connaîtront pas. Quelle victoire ! Quand j’étais gamin, ce qui se produit aujourd’hui relevait de la science-fiction.
Quel chemin parcouru depuis l'époque sombre d'il y a 40-50 ans ! Quels fantastiques accomplissements de la recherche ! Moi qui m'étais simplement mais audacieusement donné pour objectif de voir l'an 2000… Merci merci merci.
Merci à tous ceux qui m'ont si bien soigné - et qui continuent de le faire pour certains - de m'avoir permis d'arriver jusque-là.
Plus que jamais je pense à tous ceux qui n’ont pu connaître cette folle avancée thérapeutique.
Merci Professeur Gilly.
Bisous ma Valérie.
Plus que jamais je pense à tous ceux qui pour diverses raisons ne peuvent pas bénéficier des modulateurs. Leur tour va venir. Mais c'est d'eux que l'on doit vraiment s'occuper maintenant.
Je vous embrasse tous.
Julien


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