Sujet tabou

C’était poignant de revivre le parcours des 50 ans de l’association, durant l’assemblée générale de Vaincre la Mucoviscidose le week-end dernier. Les progrès sont notables sur chacun des 4 axes prioritaires de l’association : guérir, soigner, vivre mieux, sensibiliser le grand public. Même s’il reste encore du chemin à parcourir pour atteindre l’objectif ultime d’éradiquer la maladie, c’est encourageant. D’ailleurs, la directrice scientifique Paola de Carli, qui a présenté les avancées de la recherche, a dû faire une sélection, tellement il existe de projets en cours.
Un des corollaires de l’augmentation de l’espérance de vie des petits mucos, c’est que d’autres complications s’invitent avec l’âge. Comme je l’ai déjà dit sur ce blog, la mucoviscidose frappe à tous les étages. Je parle plus facilement des problèmes respiratoires, car c’est vital ! Mais en général je reste assez évasive sur tous les problèmes digestifs, par honte et par pudeur. Tout comme je préfère éviter que mes amies me parlent de ce qu’elles trouvent dans les couches de leurs nouveau-nés. Pourtant je sais bien qu’une bonne nutrition / digestion est essentielle pour maintenir la meilleure capacité pulmonaire possible. Ce n’est pas pour rien qu’on mesure à la fois la capacité respiratoire ET la prise de poids pour tester l’efficacité d’un nouveau médicament (comme le Kalydeco®).
Ce qui m’embête depuis quelques semaines, c’est aussi un sujet délicat. J’ai honte d’en parler, même si c’est purement physique. En fait, mes quintes de toux répétées provoquent des fuites urinaires et ça me gêne. D’autant plus que je bois beaucoup d’eau pour faire passer mes quintes de toux et irriter la gorge le moins possible, alors forcément ma vessie se remplit et il suffit d’une ou deux pressions abdominales lors de la prochaine toux pour déclencher une fuite. Le cercle vicieux !
Ma kiné m’a proposé une solution, elle me fait faire des exercices pour muscler mon plancher pelvien. Elle a découvert à cette occasion que j’avais un prolapsus de l’urètre (descente d’organe, qui explique le pourquoi des fuites). J’ai donc travaillé à renforcer tout ça et j’étais très fière de mes progrès… jusqu’à la prochaine quinte de toux ! La technique est pourtant simple, je dois contracter le plancher pelvien lors des épisodes de toux, mais justement dans ces moments-là, je n’ai plus aucun contrôle sur ces muscles. Alors, à quoi ça sert ?? La kiné me dit de continuer mais je commence à douter de mes compétences dans ce domaine.
Pour l’instant, la seule solution que j’ai trouvée est loin d’être parfaite. Je mets systématiquement des serviettes hygiéniques de protection, je m’assure d’avoir une bonne alèse sous les draps, et pour les situations d’urgence, j’ai une culotte de rechange dans mon tiroir de bureau. Je me vois mal remettre des couches, même si c’est la solution la plus radicale. Déjà que la situation actuelle freine un peu ma libido car je me vois comme une grand-mère qui a perdu ses moyens… Une raison de plus pour bien faire mes aérosols et suivre mon traitement à la lettre, car au final je n’ai pas ces problèmes lorsque je ne suis pas encombrée !
Je pense bien que personne ne postera de commentaire sur ce sujet délicat, mais si vous avez des solutions à me proposer, n’hésitez pas à me contacter ! Merci !
Rayons de sourire,
Jessica

Alice – 5 mai 2003
Dans l’ensemble, ma sœur était pétillante de vie. C’était d’ailleurs ce qui faisait son charme. Parée à toute épreuve, elle carburait à l’optimisme, malgré toutes les galères qui l’avaient accablée depuis sa naissance. Au début, quand j’avais compris qu’elle serait malade pour toujours, j’avais eu vraiment peur. Dès que j’entendais la sirène d’une ambulance, j’étais en panique, persuadée qu’on venait chercher ma sœur. Mais maintenant que je la voyais grandir sans trop de problèmes, à part ces foutues cures de perfs qui revenaient trois ou quatre fois par an, j’étais plus en confiance. J’avais compris qu’il n’y avait pas qu’une seule forme de sa maladie, mais autant de cas qu’il y avait de malades. Certains étaient plus touchés au niveau respiratoire qu’au niveau digestif. Certains subissaient des complications annexes qui étaient épargnées à d’autres. Certains avaient besoin de plusieurs séances de kiné par jour, alors que d’autres restaient stables avec une séance par semaine. La muco était tellement complexe qu’il était difficile de prévoir l’évolution de la maladie. La clé, c’était de se préserver au maximum. Mais Jeanne mettait en pratique son mantra, « Carpe Diem, Alléluia, Eurêka ! », et elle répandait sa bonne humeur à son entourage. J’avais parfois du mal à croire qu’elle était malade. Elle incarnait à la perfection le dicton « Ce qui ne te tue pas te rend plus fort ».

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