Tout était prêt pour cette édition 2015 de la Soirée de l'Espoir. Les
organisatrices avaient déniché des talents pour pimenter la soirée, les
réservations avaient dépassé les 500 convives, les photos étaient mises en page
pour enrichir l'exposition sur les 50 ans de l'association, mon stylo était
prêt à écrire toutes les dédicaces demandées de mon livre "Moins de souffle,
plus de vie". Une belle fête, vraiment, qui se prépare depuis des mois.
Ce n'est pas drôle tous les jours, de vivre avec la mucoviscidose, mais de
temps en temps il y a des moments de fête, comme le week-end des Virades de
l'Espoir, et ça fait chaud au cœur d'en être témoin. Quand je vois l'énergie
déployée par les bénévoles, les familles, les sympathisants, j'en récupère un
peu pour recharger mes batteries, et je me motive pour continuer à me battre
contre ce mal invisible.
Lorsqu'Aurélia m'a proposé de tenir un stand de vente et dédicaces de mon livre
lors de la Soirée de l'Espoir 2015, j'ai sauté de joie et j'ai tout de suite
accepté, trop contente de participer à un moment de fête de l'association.
J'étais sûre que cette soirée allait rejoindre ma liste de moments d'éternité.
Il y a bien eu quelques contretemps pour l'organiser, mais j'ai réussi à
trouver une parade à chaque fois.
Tout d'abord, le fait de me trouver à Toulouse un jeudi soir, alors que je
travaille à Madrid cette semaine-là, et que, ma chef étant en vacances, je ne
pouvais pas prendre de congés. J'ai regroupé les réunions du jeudi sur le
matin, pour me libérer de la fin d'après-midi, et assurer un retour le vendredi
matin avec le premier vol pour manquer le moins possible. Il a fallu négocier
dur mais ma chef l'a accepté, et j'ai prévenu les équipes avec lesquelles je
travaille.
Ensuite, il a fallu prévoir les livraisons des livres à vendre sur place, sans
l'expertise d'une maison d'éditions qui gère ce genre d'événements. Combien de
gens vont venir à la soirée ? Combien auront déjà acheté le livre ?
Combien voudront l'acheter sur place ? Heureusement que maman était là
pour réceptionner les caisses de livres neufs au fur et à mesure des commandes,
et les voilà embarqués pour être distribués lors de la soirée !
Enfin, il y a cette satanée muco qui me laisse de moins en moins de jours de
repos, ni même 30 minutes chez le coiffeur pour un brushing. La coiffeuse a
vraiment pris peur, et ça faisait juste 3 minutes que j'avais la tête dans le
bac. Mon moment détente était censé me relaxer, alors que j'ai fini par
stresser en me demandant comment j'allais pouvoir tenir les 27 prochaines
minutes. Adieu moment détente, bonjour moment de stress ! Comment ça se
fait que je tousse de plus en plus, avec des crachats de plus en plus moches,
alors que c'est enfin le printemps ? D'habitude c'est l'automne ou l'hiver
qui sont les saisons les plus difficiles pour moi, et là je ne m'en sors pas,
je suis très encombrée, je tousse sans arrêt, au point même de vomir des
crachats parfois, je n'arrive pas à me reposer, et je tombe dans le cercle
vicieux toux / fatigue / mal de tête. Le pneumo avait parlé d'une possible cure
intraveineuse lors de mon dernier bilan, mais je pensais que la reprise des
aérosols de Cayston allait faire leur effet sans besoin des perfusions. Cette
semaine j'ai vraiment déchanté, et mon état est allé de pire en pire.
Mais le coup de grâce, c'était hier soir, quand j'ai reçu un mail d'Iberia.
Parce qu'avec les gréves des contrôleurs aériens, mon vol Madrid - Toulouse
pour aller à la Soirée de l'Espoir a été annulé. Parce que, comme ce n'est pas
la faute de la compagnie, ils ne peuvent que me proposer le vol de 22h30, qui
arrive trop tard pour que je puisse assister à la fête. Parce que, tout d'un
coup ma carapace s'est effondrée, les larmes ont jailli et j'ai eu envie de
pester contre cet ultime contretemps qui remet tout en cause, et qui va me
priver de LA soirée de l'année.
Moi je ne peux pas décider de faire grève contre la muco, d'arrêter mes
traitements pour protester contre cette maladie sournoise, ou de zapper les
séances de kiné. Je peux juste me lamenter, pousser une bonne gueulante, et y
retourner. Donc demain je vais aller à l'hôpital, faire poser mon picc-line et
commencer ma cure de perfusions pour 2 semaines. Et grâce à ma sœur Alice, je
vais même pouvoir participer à la Soirée de l'Espoir par internet. Comme quoi,
après la pluie vient toujours le beau temps.
Rayons de sourire,
Jessica
Jeanne – 9 mars 1991
J’avais passé une semaine horrible. Quand le Docteur Sab m’avait parlé de l’hôpital pour tuer les méchants microbes, j’avais dit que j’étais d’accord. J’en avais marre de tousser toutes les nuits, j’étais épuisée. Je pensais que j’allais avoir une semaine de repos, où on allait bien s’occuper de moi et de mes petits poumons malades. Mais la réalité était bien différente. On m’avait habillée d’une sorte de blouse qui servait à la fois de tenue pour la journée et de pyjama. C’était l’uniforme de l’hôpital. C’était bien moche en tout cas. Ça n’avait servi à rien que je prépare une valise avec mes affaires.
Maman m’avait accompagnée à l’hôpital pour le premier jour, lundi matin. L’infirmière avait été très gentille avec moi, jusqu’à ce qu’elle installe le matériel. Pour faire passer les médicaments directement dans mes veines, on devait me poser un cathéter. J’en avais déjà eu pour les journées de bilan à l’hôpital, quand on devait me faire une prise de sang le matin et une autre l’après-midi. Au lieu de piquer deux fois mes petits bras, on faisait la piqûre avec une aiguille un peu plus grosse puis on laissait un tube en plastique en place dans la veine, qu’on enveloppait d’un gros bandage pour qu’il ne bouge pas jusqu’à la fin de la journée. Du coup, j’avais mal juste une fois, mais je devais bien faire attention à ne pas faire bouger le cathéter, je ne devais plus me servir du bras qui avait le pansement. Pendant une journée de tests à l’hôpital, c’était pas très gênant, maman portait mon sac. Mais là, on allait me mettre un cathéter qui devait rester pendant deux semaines. L’infirmière avait piqué sur le bras gauche, pour que je puisse continuer à écrire sans problème. Par contre, j’avais interdiction de faire du sport, de porter quoi que ce soit, de sauter au trampoline. En plus de tout ça, je devais me laver en gardant le bras gauche hors de l’eau.