C’est le cœur léger que je quitte l’hôpital ce mardi après-midi, soulagée
d’avoir pu résoudre un problème qui me paraissait insoluble.
Un problème tellement intime et tellement gênant que j'ai mis beaucoup de temps
à le reconnaître comme tel, puis à l'accepter. Un problème tellement
embarrassant que j'ai mis encore plus de temps avant d'en parler aux
professionnels de santé. Un problème tellement incommodant que ma qualité de
vie a périclité. Un problème tellement délicat qu'il m'a fallu presque dix ans
pour pouvoir en parler avec mes proches (et encore, parler est un bien grand
mot). Un problème qui me faisait tellement honte que je préférais le passer
sous silence dans mes Billets du Jeudi.
Et pourtant, si j'ai pu m'en débarrasser, c'est bien parce que d'autres mucos
ont osé briser ce tabou et m'en ont parlé ouvertement. En partageant avec moi
leurs expériences, heureuses et malheureuses, elles ont largement contribué à
me libérer de ma propre gêne, et à m'orienter vers une solution. C'est pourquoi
je m'adresse aujourd'hui à ceux (mais surtout celles) qui se
reconnaîtront dans ce calvaire.
La mucoviscidose est une maladie qui touche principalement les voies
respiratoires et le système digestif. Voilà comment je vous ai présenté ma
maladie. Pour ceux qui y ont prêté attention, le "principalement" annonce qu'il
y a d'autres atteintes dues à la maladie, dont on parle peu car elles ne sont
pas d'importance vitale.
Comme dans le déballage d'une pochette surprise, j'ai découvert au fur et à
mesure les petits "à côté" liés à ma maladie, qui sont rarement agréables. De
ma pochette surprise sont sortis les polypes du nez, puis les rhumatismes
palindromiques, suivis du diabète lié à la muco et un an plus tard,
l'incontinence urinaire à l'effort. Donc, dès la moindre petite quinte de toux,
c'était l'angoisse.
Je m'étais inscrite à un atelier de rééducation du périnée dans un cabinet de
kiné pour enrayer cette nouvelle complication. Dans le groupe, j'étais la plus
jeune, la seule qui n'avait jamais accouché et pourtant je présentais les
symptômes les plus graves. La kinésithérapeute a fait preuve de beaucoup de
tact avec moi et m'a fait venir régulièrement à des séances individuelles pour
renforcer mon périnée. Elle m'a fait travailler différentes méthodes :
l'électrostimulation périnéale (avec une sonde vaginale), le biofeedback, la
respiration hypopressive abdominale et la méthode manuelle. J'ai introduit dans
ma routine quotidienne des exercices que je faisais tous les jours dans les
transports. Petit à petit, je me suis musclée, et au bout de quelques années
(oui, quand même !), j'ai pu contrôler quelques épisodes fâcheux, ce qui m'a
procuré une certaine satisfaction.
Ensuite je suis tombée enceinte, et j'ai eu peur (à tort) de mal faire pour le
bébé. J'ai continué les exercices sur les trajets, mais j'ai espacé les
rendez-vous avec la kinésithérapeute. Curieusement, je n'ai quasiment pas
souffert d'incontinence durant ma grossesse.
Par contre, après l'accouchement, c'était une autre histoire. Comme tout le
monde, j'ai eu une ordonnance pour 10 séances de rééducation du périnée
post-partum. Néanmoins, j'avais perdu beaucoup de tonus et à la fin des séances
prévues, j'ai enchaîné sur une nouvelle série de dix pour espérer retrouver un
certain confort de vie. Sans succès.
Un an plus tard, ma garde-robe était essentiellement composée de robes foncées
ou noires ("au cas où") et j'avais investi dans les protections hygiéniques
pour l'incontinence. Adrien me rappelait chaque matin que je mettais "ma
couche" au moment de m'habiller. On a vu plus efficace pour redonner confiance
en soi à une jeune maman que son corps rebute...
Et puis, il y a eu les épisodes de trop ("la goutte d'eau qui fait déborder le
vase" serait une image bien en-deça de la vérité), qui m'ont poussée à parler
franchement à mon médecin. La pneumo m'a envoyée en consultation d'urologie
(encore une fois, j'étais la plus jeune en salle d'attente !).
J'ai d'abord fait un test pour vérifier le bon remplissage de la vessie et son
bon fonctionnement. Comme prévu, mon problème venait exclusivement du périnée,
qui ne se contractait plus à l'effort. Le chirurgien m'a proposé une opération
qui a fait ses preuves : la pose d'une bandelette qui soutient l'urètre,
de façon à former un petit hamac. (Petite révision d'anatomie : les urines
sont stockées dans la vessie, et évacuées par le canal de l'urètre.)
Je n'ai pas hésité longtemps avant de prendre rendez-vous pour l'opération.
L'intervention est réalisée par les voies naturelles, sous anesthésie locale et
elle est très peu douloureuse. Les contre-indications à la sortie sont assez
simples : ne pas porter de charge lourde (Adrien, tu vas devoir marcher
!), ne pas prendre de bain, ne pas pratiquer de sport qui sollicite les
abdominaux, ne pas avoir de relations intimes. Un mois plus tard, comme
l'examen d'urines est normal, le chirurgien me donne le feu vert pour reprendre
une vie normale... mais en mieux, car c'est une vie où je peux renouer avec une
vie de femme épanouie ! (et en plus, c'est les soldes, alors je peux
renouveler ma garde-robe !)
Rayons de sourire,
Jessica