Il y a deux mois, quand on m’a demandé de témoigner en tant que « maman
muco » lors du congrès européen des maladies respiratoires (European
Respiratory Society Congress, ERS pour les intimes), j’ai spontanément répondu
« présent » ! L’intervenant idéal était une maman muco (check),
disponible un samedi après-midi à Paris (check) pour parler de son parcours
(check), en anglais (check), devant un auditoire de mille personnes (euh? vous
êtes sûr ?).
J’ai été contactée par la coordinatrice de CF Europe, puis par la représentante
de ELF (European Lung Foundation), pour leur raconter mon histoire et elles ont
été convaincues par mon énergie positive. Ensuite j’ai participé fin août à une
conférence téléphonique avec tous les intervenants du cours « CF adult
management », ce qui m’a permis d’identifier quatre axes à mettre en
avant : la fertilité, la grossesse, l’accouchement et la période
post-accouchement.
Samedi dernier, je suis montée sur scène avec un peu de trac, (trac tout de
même réduit, car finalement le public était beaucoup moins nombreux qu’annoncé
au mois de juillet, quand on m’avait parlé du nombre total de participants au
congrès et non à la table ronde sur la muco), et je me suis appliquée à faire
passer le message aux médecins confrontés à des patients mucos.
Je ne répèterai pas ici tout mon témoignage, mais je voudrais tout de même
insister sur deux aspects.
1- La première fois que j’ai parlé à mon pneumologue de mon envie de fonder une
famille, il m’a rétorqué instantanément que je ne devais pas songer à avoir des
enfants, mais que je devais me préparer à avoir des orphelins. La répartie peut
surprendre. Comme je n’avais pas la langue dans ma poche et que je m’étais
renseignée sur le sujet avant de m’en ouvrir au corps médical, j’ai répondu du
tac au tac qu’on était logé à la même enseigne car lui aussi pouvait avoir deux
orphelines s’il avait un accident en rentrant de l’hôpital. Il n’a pas insisté,
et ensuite il m’a soutenue à 100% jusqu’à ce que j’apprenne l’existence de
l’hormone beta HCG dans la fameuse prise de sang.
Avec le recul, je pense que mon pneumo ne pensait pas à mal avec sa remarque.
Si personne d’autre ne m’avait mise en garde des risques d’une grossesse, il
était nécessaire d’entendre au moins une fois que mon espérance de vie pourrait
être diminuée du fait de devenir maman. NEANMOINS, j’encourage tous les
médecins qui sont confrontés à ce genre de situation à faire tourner leur
langue dans leur bouche sept fois avant de prononcer une phrase qui pourrait
causer un réel choc traumatique. (Deux fois, c’est accepté aussi pour les
médecins de la NHS* qui sont limités à des rendez-vous de huit minutes.)
Pendant toute cette période de pré-conception, plus ou moins longue, les
patients ont énormément besoin du soutien des médecins qui les suivent. On a
besoin d’être en confiance avec l’équipe médicale, d’autant plus quand on est à
fleur de peau à cause de questions aussi intimes.
2- Quand on est tellement focalisé sur la grossesse (comme moi à l’époque), on
ne se soucie pas tellement du reste (je ne voulais rien savoir sur le
déroulement de l’accouchement avant d’y être confrontée pour de vrai, par
exemple). Or, avec le recul, c’est bien la période post-accouchement qui est
cruciale, et c’est bon que les médecins soient là pour nous en parler, ou tout
du moins le mentionner. Pendant la grossesse, il faut certes prendre en compte
les contre-indications de certains médicaments, la capacité respiratoire mise à
mal par la place que prend le bébé, ou encore d’autres désagréments propres à
chacune, MAIS on sait que cet état est limité dans le temps. Encore plus dans
le cas des primipares, on peut dédier presque tout son temps à s’occuper de soi
et rien que soi (ce qui inclut tous les traitements contre la muco, vous m’avez
bien comprise).
Cela me parait bien bête aujourd’hui, mais par exemple, je n’avais pas du tout
réfléchi au fait que je devrais trimballer mon bébé à chaque visite chez le
kiné pendant mon congé maternité. Pourtant je vais chez le kiné tous les jours
depuis de nombreuses années.
La pneumo qui me suit au CRCM de Cochin avait vraiment bien fait d’insister sur
le fait que la première année avec bébé était déterminante et que c’était
justement sur cette période que je devais concentrer tous mes efforts face à la
muco. Elle s’attendait à ce que j’observe moins bien mes traitements (et elle
n’avait pas tort, merci l’expérience des autres mamans mucos !) et que ma
capacité respiratoire reste un peu en deçà des valeurs « d’avant »,
sans compter tous les virus et bactéries que j’allais échanger spontanément
avec mon fils.
Si c’était à refaire, je referais probablement les mêmes choix. Je troquerais
un (ou deux) aérosol(s) contre un moment de peau à peau, je rognerais sur mes
heures de sommeil pour veiller sur mon tout petit qui a le nez pris,
j’abandonnerais mon cours de sport hebdomadaire en le remplaçant par une sortie
journalière en poussette. Sauf que la responsabilité de parents n’a pas de
limite temporelle (cette nuit encore, j’ai dû veiller mon petit bonhomme et ses
crises de laryngite !), alors c’est un vrai piège de toujours faire passer ses
enfants avant son bien-être. De façon générale, pour bien s’occuper des autres,
(pas seulement des enfants), il faut commencer par bien s’occuper de
soi-même.
Je compte donc sur les médecins qui accompagnent les parents atteints de
maladie chronique à anticiper avec eux la gestion du quotidien pour intégrer la
prise en charge de la maladie au même titre que la prise en charge des enfants.
Cela peut valoir le coup d’établir une liste de personnes ressources qui
peuvent venir décharger la maman muco, ne serait-ce qu’une heure par semaine,
ou de façon complètement ponctuelle. Le temps de faire une sieste, le temps de
se rendre à une consultation, le temps de s’accorder un petit plaisir…
En conclusion, retenez l’importance de la confiance dans la relation patient -
médecin, et l’importance de l’anticipation d’une vie de parent pour être mieux
armé face aux attaques de la maladie.
Je tiens à remercier tous les médecins, et notamment les pneumologues, qui
m’ont accompagnée dans cette fabuleuse aventure de maman muco.
Rayons de sourire,
Jessica
- NHS = National Health Service, le service de sécurité sociale au
Royaume-Uni.