Par définition, les patients qui souffrent d’une maladie chronique
consultent régulièrement leur spécialiste.
Interlocuteur privilégié, le pneumologue joue un rôle essentiel dans la prise
en charge de la mucoviscidose.
En ce qui me concerne, il a toujours été le pilier central qui coordonne
l’action des autres intervenants.
C’est grâce à la relation de confiance que j’avais établie avec lui que j’ai
accepté de me faire charcuter par d’autres. (Je sais au fond de moi que c’était
pour mon bien que Dr. Sab m’avait envoyée me faire traumatiser
opérer par l’ORL qui a nettoyé mes sinus.) C’est grâce à la franchise qui
régnait entre nous que j’ai réussi à admettre que je ne suivais pas mon
traitement à la lettre, ce qui a permis de trouver une solution ensemble. C’est
grâce à sa capacité d’écoute que j’ai pu aborder des sujets un peu plus
éloignés de la muco, mais qui affectaient tout de même mes traitements.
En grandissant avec le Dr. Sab, je n’envisageais pas d’être suivie par un autre
médecin. J’étais complètement rassurée avec lui, j’avais un atout dans ma
manche contre la mucoviscidose. Lorsque j’ai quitté Toulouse pour poursuivre
mes études, j’ai continué de le voir de temps en temps, car j’avais besoin de
garder ce repère. Le monde de l’hôpital me faisait peur car je n’avais pas
encore apprivoisé le fonctionnement du CRCM adultes. Naturellement, quand je
suis partie vivre à l’étranger, je lui ai demandé si je pouvais encore
l’appeler ou prendre rendez-vous à l’occasion. Sa réponse m’a grandement
soulagée. En fait, le Dr. Sab a toujours été présent pour moi. Il m'a aidée à
devenir un "patient expert" de ma maladie, il m'a aidée à accepter le fait
d'être malade à vie (ou tout du moins une grande partie de ma vie), il m'a
aidée à concilier mes projets personnels avec mes contraintes liées à la
maladie.
Ce n'est qu'à partir du moment où je suis entrée dans la vie professionnelle
que j'ai réalisé que mon pneumologue de toujours exercerait durant un temps
limité, et qu'il y aurait un âge où il partirait à la retraite. Un peu comme
les enfants qui s'étonnent en croisant leur institutrice en train de faire ses
courses, j'avais du mal à concevoir que sa vie suive les mêmes règles que le
reste du monde. Ce fut un choc, mais je n'ai pas encore connu cette
réalité.
Comme je me suis installée à Paris plutôt que Toulouse après mon expérience de
l'international, je me suis tournée vers le CRCM de Cochin pour trouver le
pneumologue qui allait s'occuper de ma muco, de ma grossesse de muco, de mon
suivi de maman muco. J'ai eu la chance de rencontrer le Dr. Hubert, une
pneumologue aux grandes qualités humaines, et je n'ai plus ressenti le besoin
de me référer au Dr. Sab.
Depuis un peu plus de trois ans, le Dr. Hubert a été très disponible pour moi,
et également très pédagogue dans sa façon de me parler de l'évolution de la
maladie. En trois ans, j'ai passé beaucoup plus de temps à l'hôpital qu'à mon
habitude, à tel point que j'ai l'impression que cela fait bien plus longtemps
que je suis suivie au CRCM.
Elle m'a accompagnée dans des étapes importantes de ma vie, à commencer par sa
visite le jour de la naissance d'Adrien. Elle m'a fait découvrir le mi-temps
thérapeutique qui m'a permis de maintenir une activité professionnelle
compatible avec mon emploi du temps de maman malade. Elle a toujours pris le
temps du dialogue et de la paperasserie administrative, même quand elle était
en retard.
Quand le Dr. Hubert m'a annoncé qu'elle se préparait à prendre sa retraite,
j'ai eu un choc. Bien sûr, je n'ai pas à m'en faire sur la qualité du suivi de
ma maladie ou de mes traitements, car le reste de l'équipe ne change pas, et un
remplaçant sera bientôt en poste. Tout de même, j'ai eu ce pincement au coeur
et j'ai dû accuser le coup.
Puis, elle m'a expliqué qu'elle allait garder un jour de consultation pendant
une période de transition, et je me suis sentie soulagée. Le choc a été
repoussé dans le temps.
Hier, j'ai reçu son mail de remerciement adressé aux patients présents (par
procuration) à son pot de départ. Elle a su trouver les mots justes pour
décrire le chemin parcouru ensemble face à la muco, en étant à la fois réaliste
sur notre passé et optimiste pour notre futur. Je me suis sentie galvanisée par
son message, c'est pourquoi j'ai souhaité en laisser une trace écrite.
À tous les soignants qui nous accompagnent dans ce combat, qui nous encouragent
à chaque petite victoire sur la maladie, qui nous soutiennent dans les bons et
les moins bons moments, j'aimerais vous dire MERCI. Contrairement à nous autres
les patients, vous avez choisi de côtoyer la mucoviscidose au quotidien. Grâce
à votre implication, c'est un peu plus supportable de vivre avec une maladie
orpheline comme la muco (en attendant que la muco elle aussi prenne sa retraite
!).
Rayons de sourire,
Jessica