Pour les enfants mucos nés dans les années 80, qui n’étaient pas destinés à
jouer aux Game Boys des années 90, et encore moins à entendre parler du bug de
l’an 2000, quelle chance nous avons eu de pouvoir rencontrer des enfants mucos
nés dans les années 70, et même dans les années 60 ! Evidemment, ils
n’étaient pas nombreux, et si nos perspectives d’avenir étaient assombries, les
leurs étaient encore plus raccourcies.
A une époque où le dépistage néonatal de tous les nouveaux-nés n’était pas du
tout systématique, plusieurs patients ont dû attendre de nombreuses années pour
entendre parler d’un diagnostic de mucoviscidose.
C’est le cas de Nat, dont je connaissais l’histoire grâce à tous les récits
qu’elle avait écrits dans la Lettre Aux Adultes (la publication par
l’association Vaincre la Mucoviscidose d’un magazine écrit par les patients et
pour les patients). Son style d’écriture me plaisait beaucoup. Elle me faisait
rire à travers toutes ses anecdotes. Telle une force de la nature, elle ployait
sous les épreuves de la maladie, mais jamais ne rompait. Avant même de la
rencontrer, j’éprouvais beaucoup d’admiration pour son parcours de
combattante.
A partir du moment où je me suis investie dans les rencontres organisées par
l’association pour les patients et leurs familles, je l’ai rencontrée en chair
et en os, elle et d’autres patients plus vieux que moi. Ils m’ont parlé de
leurs vies, de leurs projets, de leur(s) greffe(s), des complications de la
maladie, mais aussi de leurs réussites, en premier lieu leurs enfants. J’ai été
contaminée par leur force incroyable pour avancer dans la vie, contre vents et
marées, contre perfusions et hospitalisations.
Comme Emilie Duhamel, qui rayonnait malgré la mucoviscidose, ils étaient la
preuve que les mucos étaient des super-héros du quotidien.
Nat en était la parfaite représentante. Malgré le manque de soins pendant la
première moitié de sa vie, elle était maman de deux adorables ados (adultes,
maintenant !), et de plusieurs chiens. Elle s’occupait toujours des autres. En
partageant son parcours de vie, elle m’a aidée à me projeter en tant que maman,
elle m’a aidée à apprivoiser mon diabète, elle m’a aidée à parler de la greffe
à une amie. Elle m’a donné des tuyaux pour diminuer les gênes de mes fuites
urinaires, elle a partagé ses recettes de grand-mère sur des tabous de muco,
elle m’a encouragée à venir voir comment se déroulait le Conseil des Patients
et comment je pouvais y apporter ma contribution. C’est simple, si je
rencontrais un problème dans ma vie (surtout quand il était lié à la maladie),
Nat avait une solution car elle l’avait résolu avant moi.
Malgré tous les drames qui ont jalonné sa vie, elle avait toujours le sourire,
et elle était clairement un phare dans ma vie de muco. Un exemple à
suivre.
Cette semaine, j’ai été dévastée par l’annonce de son décès. Je ne suis
clairement pas la seule dans ce cas, tous les adultes mucos sont devenus des
orphelins avec la disparition de Nat. Elle semblait tellement immortelle, car
elle avait bravé (et vaincu !) tellement d’obstacles, que sa mort parait
irréelle. Comme Patrick Bruel qui rend hommage à son grand ami Guy Carcassonne
dans sa chanson Mon repère, j’ai perdu mon amie, ma soeur de combat,
mon repère pour grandir.
Merci Nat pour tout ce que tu m’as apporté. Je réalise aujourd’hui à quel point
c’est important pour les nouvelles générations de pouvoir avoir recours aux
anciennes générations. Grâce à toi, j’ai osé franchir le pas sur de nombreux
projets malgré la muco car tu m'avais montré la voie. Merci infiniment.
Maintenant que ton corps ne souffre plus, j’espère que tu reposes en paix, et
que tu as pu retrouver Vini et tous les autres partis avant toi. Sache que nous
sommes nombreux à pleurer ton départ mais il suffit de relire un de tes
messages pour nous faire sourire, et même rire. Bravo à toi, notre super-héros,
la « dinosaure » des mucos !
Rayons de sourire,
Jessica