Une des missions prioritaires de l'association Vaincre la Mucoviscidose,
c'est de sensibiliser le grand public. Même si la mucoviscidose est la plus
fréquente des maladies rares, elle n'en demeure pas moins une maladie
orpheline. Forcément, autour de moi, tout le monde connait la maladie car j'en
parle très facilement, et je préfère expliquer aux autres mes symptômes plutôt
que de les cacher. J'estime que vivre avec une maladie chronique invalidante et
invisible est assez lourd à porter, alors je ne vais pas m'encombrer du poids
additionnel du secret.
Naturellement, quand Alice m'a proposé de faire une intervention à ses élèves
de 3ème durant leur séjour à Paris, je n'ai pas hésité longtemps. La
mucoviscidose fait partie du programme de Sciences de la Vie et de la Terre
(SVT) des 3èmes, et la prof de SVT, qui avait organisé le voyage, était
enthousiaste d'avoir trouvé un support vivant pour illustrer le chapitre.
Lorsque je me suis retrouvée devant ce groupe de collégiens, j'ai demandé qui
connaissait la mucoviscidose, et je pouvais compter sur les doigts d'une main
ceux qui ont répondu par l'affirmative. Durant mon adolescence, je n'étais pas
surprise de rencontrer des personnes qui n'avaient jamais entendu parler de ma
maladie, mais aujourd'hui, j'avoue que je suis étonnée. A leur décharge, ils
habitent dans une région qui n'accueille aucune Virade de l'Espoir, ils sont
trop jeunes pour avoir suivi le parcours de Grégory Lemarchal à la Star Ac', et
ils sont encore bien trop jeunes pour avoir été confrontés au dépistage
génétique systématique des nouveaux nés.
Je leur ai donc fait un cours de génétique en accéléré, pour expliquer comment
se transmet la maladie et comment elle se manifeste. Ensuite, je me suis mise à
disposition pour répondre à leurs questions.
Les jeunes n'étaient pas du tout timides, et leur première interrogation
concernait le fait de savoir si j'allais mourir à cause de la maladie.
Heureusement que je suis maintenant blindée face à ces interrogations. Alice
est d'ailleurs venue s'excuser après mon intervention, car elle pensait que
j'avais pris un coup au moral. Je l'ai rassurée sur ce point, (d'autant plus
que c'était une période où j'allais bien et où je n'avais pas de frère de
combat à pleurer), et je comprends que ce soit la principale préoccupation des
collégiens.
Ensuite, ils m'ont demandé si je suivais un traitement, si je devais prendre
des médicaments, si je pouvais mourir si je ne prenais pas mes médicament comme
il faut, si je devais souvent aller à l'hôpital, si je savais ce que je devais
faire quand je crachais du sang, si je pouvais mourir à force de cracher du
sang, si je pouvais travailler ou partir en vacances, si je pouvais avoir des
enfants, si j'étais plus facilement malade à cause d'Adrien, si je pouvais
mourir à cause des microbes d'Adrien, si je pouvais faire du sport, si je
pouvais mourir à force de tousser, etc.
Alors, oui, j'ai répondu que la mucoviscidose était une maladie grave, qu'on ne
sait toujours pas guérir aujourd'hui. Je leur ai parlé de mes frères de combat
qui ne sont plus là pour témoigner, qui sont morts à force de tousser, qui sont
morts à cause des complications de la maladie. Je leur ai parlé de mon envie
irrésistible pour profiter de la vie au maximum, pour créer de nombreux moments
d'éternité, pour voir la vie du bon côté.
Finalement, nous avons cherché ensemble des idées d'actions qu'ils pourraient
entreprendre pour aider les malades atteints de mucoviscidose, et ils avaient
l'air assez d'accord pour organiser une Virade scolaire au profit de
l'association Vaincre la Mucoviscidose.
Merci à eux et à leurs professeurs de m'avoir écoutée, d'avoir partagé leurs
inquiétudes sur la maladie, et d'avoir préparé un plan d'action pour apporter
leur contribution à notre combat.
Rayons de sourire,
Jessica