Suite au billet de jeudi dernier qui commentait les résultats préliminaires
prometteurs d'une étude clinique de Vertex, (c'est par ici pour la version longue), je propose
de vous exposer un peu plus en détail comment on arrive à développer un
médicament.
Au départ, la recherche fondamentale trace la voie. Son objectif est de mieux
comprendre les mécanismes de la maladie et ses manifestations. En identifiant
le dysfonctionnement qui entraîne la maladie, les chercheurs peuvent développer
une molécule susceptible d'améliorer un aspect de la maladie. Ils réalisent des
tests sur des cellules et des animaux, dont l'objectif est de déterminer, entre
autres, le profil de toxicité et d'action de cette molécule.
Lorsqu'une molécule se présente comme candidate au développement d'un nouveau
médicament, elle doit passer par différentes phases d'essai clinique. La
première étape fait intervenir des personnes saines adultes, afin de vérifier
"in vivo" les résultats obtenus en laboratoire. L'objectif est de déterminer la
dose minimale active, et en même temps la dose maximale tolérée, ainsi que le
mode d'administration adéquat.
Ensuite, la phase II peut commencer, avec l'administration de la molécule chez
des patients. La première étape cherche à tester la tolérance de la molécule
chez les patients. La seconde étape cherche à optimiser l'efficacité
thérapeutique, c'est-à-dire la dose la plus adaptée et présentant le moins de
risques.
Arrive alors la phase III, étendue à un plus grand nombre de patients, et qui
se déroule sur une période plus longue, afin de confirmer si la dose
sélectionnée est active et bien tolérée pendant une longue période de
traitement, mais aussi si les effets du médicament sont observés de la même
manière sur un grand nombre de patients. Au terme de la phase III, les
résultats sont communiqués par les promoteurs de l'étude.
A ce moment-là, le promoteur dépose une demande d'Autorisation de Mise sur le
Marché (AMM) auprès de l'agence du médicament (FDA aux Etats-Unis, EMA en
Europe). Commence alors la phase IV de développement de la molécule, dite de
pharmacovigilance, avec la surveillance du médicament à long terme, afin de
dépister des effets indésirables ou des complications qui interviennent sur le
long terme.
En France, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de
santé (ANS) peut délivrer une Autorisation Temporaire d'Utilisation (ATU),
notamment en attendant l'accord de mise sur le marché demandé à l'AMM, (qui
peut mettre plusieurs années).
Une fois l'AMM en poche, le circuit n'est toujours pas terminé, car il faut
encore négocier le prix de vente et fixer le taux de remboursement par la
Sécurité Sociale. Si vous avez suivi les déboires des négociations sur
l'Orkambi (petit rappel dans ce
billet), vous comprenez que plusieurs années peuvent facilement s'écouler
entre la découverte d'une molécule candidate et la vente du médicament dans les
pharmacies.
Finalement, chacun est concerné par les essais cliniques, qui nécessitent des
volontaires malades ou en bonne santé. Donc si vous souhaitez vous impliquer
dans la recherche clinique, n'hésitez pas à en parler avec votre médecin. En
effet, c'est lui qui connait la liste des essais cliniques en cours dans son
centre de soins et qui pourra vous proposer de participer à un essai clinique,
en fonction de votre état de santé.
Le patient à qui l'on propose de participer à un essai clinique reçoit une
feuille d'information et un consentement à signer. Il va prendre le temps de la
réflexion pour comprendre le protocole en détail et de pouvoir poser ses
questions à l'équipe de recherche. En général, entrer dans un protocole de
recherche implique des visites plus fréquentes à l'hôpital, des examens plus
nombreux que d'habitude, etc. Lorsque le patient décide de signer le
consentement, il effectue une première visite destinée à vérifier que le
patient remplit les critères demandés (par exemple VEMS supérieur à 40% par
rapport à la normale, absence de diabète, ou encore présence de Pseudomonas
aeruginosa dans les poumons... à chaque protocole sa liste de critères
!).
Si le patient répond aux critères d'inclusion, il entre dans l'étude. Un tirage
au sort détermine le type de traitement qu'il va recevoir (entre placebo ou
médicament à tester), sachant que le médecin lui-même ne saura pas non plus le
résultat du tirage au sort. ("essai en double aveugle") C'est l'heure de la
première administration, qui déclenche un suivi médical selon le protocole
établi. Le patient s'engage à une bonne observance du traitement, ainsi qu'à
déclarer tout effet secondaire observé.
Lors de la visite de fin d'essai, l'essai clinique se termine pour le patient,
qui se retrouve en attente de la publication des résultats de l'étude (qui peut
tarder quelques semaines, voire quelques mois, après la visite de fin d'essai,
car il faut attendre que tous les participants à l'étude aient effectué leur
visite de fin d'essai.)
Pour plus d'informations, je vous encourage à vous rendre sur le site notre-recherche-clinique.fr qui est extrêmement complet.
Rayons de sourire,
Jessica