On n'a pas tous les jours 20 ans !

Moi qui suis une grande adepte des fêtes d’anniversaire, j’ai répondu présent à l’invitation de Vaincre la Mucoviscidose de samedi dernier, pour célébrer les 20 ans du dépistage néonatal systématique de la mucoviscidose. L’association a réuni des patients, des chercheurs, des médecins, des bénévoles et des partenaires pour l’occasion. C’était très émouvant d’entendre le témoignage des pionniers de cette aventure. J’ai eu aussi la surprise de rencontrer la fille de la kiné de mon enfance, qui suit le chemin de ses parents en s’investissant auprès des patients muco.


David Fiant, Président de Vaincre la Mucoviscidose, a commencé par rendre hommage à Alex Jégo, fondateur de la Roskolor, qui vient de rendre les armes face à la maladie. Une part des victoires de l’association lui revient.
Le Professeur Georges Travert, responsable de biologie au CHU de Caen, a ensuite pris la parole. La généralisation du dépistage néonatal systématique de la mucoviscidose s’est inspiré de la stratégie de dépistage de l’époque de la Basse-Normandie. Le test reconnu fiable en 1979 a été entendu à l’ensemble des bébés normands en 1980 (soit 44 000 bébés par an), et d’ailleurs, David en a bénéficié ! Il fallait tout de même trouver comment financer ces tests.
Georges Travert nous a rappelé qu’un des critères pour effectuer un dépistage systématique, c’est qu’il doit exister un traitement simple et efficace à la maladie dépistée. Autant dire que la mucoviscidose était loin de remplir ce critère ! Néanmoins, l’intérêt du dépistage sur le plan nutritionnel puis respiratoire a été démontré par un essai clinique.
Le Professeur Claude Férec, généticien à Brest, nous a ramenés plus de 30 ans en arrière. Lors du congrès nord-américain de Tampa en 1989, avec la présentation des travaux sur le gène responsable de la mucoviscidose, les chercheurs ont été ovationnés pendant plus de 30 minutes. Un test robuste est nécessaire. Au début des années 90, la communauté scientifique s’oriente vers la génétique moléculaire, ce qui se révèle un échec en 1991-92. En 1993, dans la population bretonne, on savait identifier 90% des mutations, ce qui encourage à persévérer dans cette voie. L’application rapide du dépistage systématique en Bretagne et Normandie permet d’alimenter la réflexion des autorités pour mettre en place un dépistage au niveau national.
Claude Férec nous a rappelé le travail essentiel des bénévoles de terrain à l’époque, pour convaincre la population bretonne d’accepter ce dépistage. Le journal local relayait des informations pour sensibiliser la population. De plus, la question du financement de l’opération était critique. Cela parait dingue, aujourd’hui, mais on peut remercier ces pionniers.

Après ces témoignages, le Professeur Christophe Marguet, du CHU de Rouen, a pris la parole. Mettre en place un dépistage systématique devait également s’accompagner de moyens pour recevoir ces enfants dépistés, d’où la création des CRCM (Centre de Ressources et de Compétence de la Mucoviscidose). Cet anagramme peut se définir d’une autre façon, tout aussi parlante. Le C de Collectif, porté par Jean Lafond, ancien Président de l’association, et le Professeur Gabriel Bellon, de Lyon. Ils ont travaillé avec l’ensemble des médecins français sur l’amélioration de la prise en charge des soins.
Le R de Réseau, avec un objectif de 50 patients par centre, et au départ 3 ans (seulement !) de financement. Ce réseau a permis de mettre en place les grandes observations sur les patients qui bénéficient maintenant de la trithérapie. Il a également permis d’organiser des journées scientifiques, et à la communauté de se structurer.
Le C de Confiance, indispensable à la prise en charge standardisée de cette maladie chronique. Le fait d’identifier un centre qui suit le patient implique qu’il retrouve les mêmes soignants, et la relation de confiance peut s’instaurer.
Le M de Multidisciplinarité, du fait d’une maladie qui touche plusieurs organes. Pas seulement des médecins sont impliqués dans les soins, mais aussi les infirmières dédiées, les kinésithérapeutes, les diététiciennes. On peut aussi assimiler le M au Maternage, du point de vue des pédiatres, qui se soucient de leurs petits patients. Finalement on transfère chez les CRCM adultes des patients qui ont encore du souffle, ce qui n’était pas gagné.

Le Dr Anne Munck, responsable du CRCM pédiatrique de Robert Debré à Paris, nous a ensuite donné un aperçu des résultats d’un groupe de travail européen sur le sujet. Les 3 objectifs de ce groupe de travail étaient les suivants : 1- contribuer à l’expansion du dépistage, 2- évaluer les performances de ce dépistage, et 3- encourager les enfants issus du dépistage à participer aux études cliniques.
En 2004 seuls deux pays européens disposaient d’un dépistage néonatal au niveau national : la France et l’Autriche. L’expansion s’est faite petit à petit. A court terme, 30 pays (sur 50) auront un dépistage systématique. La centralisation des données est un point particulièrement sensible. La communauté scientifique a établi une liste de 20 paramètres à recueillir chaque année pour évaluer 8 points clés et pouvoir parler le même langage d’un pays à l’autre. Le dépistage doit reconnaître au moins 90% de la population, et il faut voir les enfants dépistés dans un délai court (idéalement dans les 35 jours de vie). Le rôle pionnier de la France est parfaitement reconnu au niveau européen.

Anne Munck a laissé la place au Dr Anne-Sophie Lapointe, chef de projet pour la mission Maladies Rares au Ministère de la Santé. De par son histoire personnelle, elle a été embarquée par le militantisme de Vaincre la Muco. De plus, maman de deux enfants atteints d’une maladie rare, elle parle en connaissance de cause de l’importance d’avoir des parents aidants. Elle a souligné l’exemple à suivre des façons de travailler de Vaincre la Mucoviscidose. Les différents plans maladies rares (le premier datant de 2004) concernent de 6 à 8 000 maladies rares, dont seulement 5% bénéficient de traitements. D’où l’importance d’une bonne prise en charge, de protocoles communs, pour accompagner les patients sans trop de dégradation. La force du collectif pour collaborer et avancer se joint à la capacité de résilience des familles. Anne-Sophie Lapointe a conclu en remerciant l’association d’être toujours active et pertinente, et d’aiguiller ainsi nos politiques publiques de façon efficace.

Un autre hôte de marque a témoigné de son engagement vis-à-vis de l’association, notre ambassadeur Christophe Jobazé, apnéiste isérois qui ne manque pas de souffle !
Enfin, David a remercié Floriane Martin, qui a prêté son image à la campagne de communication depuis trois ans. C’était totalement inédit de montrer une patiente adulte lors des campagnes. Ainsi on a pu montrer combien la générosité du public a permis de faire que l’on peut vivre aujourd’hui plus longtemps avec la maladie, mais aussi que la lutte ne doit pas s’arrêter.


Grâce à la ténacité de tous ces acteurs, l’association peut se réjouir de certaines victoires sur la maladie. Parmi les dates clés, j’en retiens 4 : 1- 1965, la création de l’AFLM (Association Française de Lutte contre la Mucoviscidose), 2- 1989, l’identification du gène responsable de la maladie, 3- 2002, le dépistage néonatal systématique et la création des CRCM, 4- 2021, l’arrivée du Kaftrio sur le marché français.

Merci à tous de votre engagement, qui nous permet de nous rapprocher de notre objectif ultime : vaincre cette fichue maladie !

Rayons de sourire,
Jessica

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