Couleurs de printemps, douleurs pour longtemps

Attention : ce billet du jeudi aborde un sujet délicat, passez votre chemin si vous êtes sensible à la douleur



L’histoire remonte au mois de novembre 2024, lorsque le médecin me reçoit après ma coloscopie de dépistage (petit rappel dans ce billet) pour m’annoncer qu’il a trouvé un polype dans l’intestin et qu’il va falloir vérifier s’il y en a d’autres, avant de les enlever.
Le CRCM a pris le relais, et j’ai passé un scanner de l’abdomen avec injection (dont je vous avais parlé dans ce billet). Dès qu’on me parle d’un examen « avec injection », je stresse, car j’ai un capital veineux proche de zéro. D’ailleurs, en février, j’ai dû passer par les mains de trois infirmières avant de trouver la bonne veine pour faire passer la perfusion. J’ai découvert qu’on pouvait utiliser la technique de l’échographie dans les cas désespérés ! Après ça, j’étais sortie plutôt rassurée de la consultation avec mon pneumo, qui m’avait appris que l’anapath avait conclu que le polype était bénin (je m’attendais à un courrier depuis le mois de novembre, mais il faut croire que le vieil adage « pas de nouvelles, bonnes nouvelles » prime). J’étais juste étonnée que l’examen qu’ils avaient prévu pour faire avancer le diagnostic (en l’occurrence, ce scanner de l’abdomen) n’était finalement pas assez fiable, et qu’on se demandait maintenant s’il me fallait en plus une IRM. Mais bon, je n’ai pas peur d’une IRM, je ne suis pas claustrophobe et tant qu’il n’y a pas besoin d’injection, je suis partante pour n’importe quel examen. Le pneumo a transmis à l’équipe des gastroentérologues pour prévoir la suite, et j’ai attendu qu’on me contacte.

Début mars, le pneumologue du CRCM me rappelle pour m’expliquer que les gastroentérologues proposent un bilan complémentaire encore plus chargé que prévu. Je suis également reçue en consultation par le gastroentérologue qui a présenté mon cas en réunion de service et qui va m’expliquer les tenants et les aboutissants de ces examens additionnels.
J’ai d’abord un problème de vocabulaire. On parlait de « polype », le gastroentérologue l’appelle maintenant « lésion » ou « tumeur », ce qui me fait un peu tiquer. L’explication est simple, tous les polypes sont des tumeurs. Appelons un chat un chat, et un polype une tumeur, donc.
Je lui rappelle que la conclusion de l’anapath du mois de novembre est que ce polype-tumeur est bénin, et là, c’est à son tour de tiquer. Effectivement, la conclusion de l’anapath n’a rien trouvé d’anormal, mais le prélèvement envoyé pour analyse s’est révélé être de la muqueuse d’intestin, et non le polype à analyser. Comme le médecin qui a prélevé l’échantillon est un expert dans son domaine, on pense qu’il a fait au mieux, et que si lui n’est pas arrivé à prélever un morceau du polype, c’est que les autres médecins n’y arriveront pas non plus. (« Sinon, on vous aurait prescrit une nouvelle coloscopie pour procéder à une biopsie. » et bien, je dis merci au médecin expert de m’avoir évité ça !) Je me prends une petite douche froide au passage, car finalement, on ne sait pas si ce polype-tumeur est véritablement bénin.
Ce qui est positif, c’est que je n’ai pas de douleur ni de symptôme, alors on peut penser qu’il est bénin. On m’envoie faire trois examens complémentaires pour vérifier cette hypothèse.
Tout d’abord, un TEP Scan FDOPA, un scanner avec injection (Alerte !!! Alerte !!! Alerte !!!) d’une substance radioactive, programmé à Cochin le 21 mars (la fête du printemps !).
Ensuite un entéroscanner, pour explorer l’intestin grêle, programmé à Cochin le 22 avril. De nouveau, l’alerte se met en route dans mon cerveau : il va falloir me perfuser pour l’examen. Le gastro trouve que le délai d’attente est trop long (5 semaines), donc il me donne une ordonnance pour faire l’examen en ville. Je lui demande s’il est inquiet, (et si je dois l’être), sa réponse est non car je n’ai pas de symptôme, mais quand même, il ne faut pas tarder à vérifier. Bizarrement, sa réaction m’inquiète. Enfin, je dois passer une IRM du foie. Si le polype-tumeur se développe ou se multiplie, on devrait trouver d’autres lésions / tumeurs / polypes dans le foie, l’organe le plus proche. Cochin m’a trouvé une place pour le 30 juin. Pour le coup, je suis d’accord avec le gastro, ça fait un peu long à attendre si on s’inquiète ! Me voici donc avec une nouvelle ordonnance pour programmer l’IRM en ville.
Une fois que j’aurai passé ces trois examens, s’il s’avère qu’il n’y a qu’une seule lésion, on programmera la phase chirurgie pour la retirer. Et c’est là que j’apprends que « la retirer », cela veut dire en fait « couper le morceau d’intestin qui contient la tumeur ». Encore une fois, on n’était pas sur la même longueur d’onde à cause du vocabulaire.
Je suis sortie un peu sonnée de cette consultation, mais je garde à l’esprit qu’on avance, et que je suis bien prise en charge. Je m’estime chanceuse !

Et puis voilà, j’ai passé l’examen de TEP FDOPA vendredi. Pour me mettre en confiance, je suis d’abord allée au CRCM pour que les infirmiers me posent la perfusion, car je me sens rassurée avec des gens que je connais et qui ont l’habitude des mauvaises veines.
Pour fêter l’éclosion du printemps, ils m’ont offert quelques jolies fleurs sur mes bras. Un crocus jaune sur l’avant-bras, là où la veine a claqué. Une tulipe violette là où la veine s’est carapatée. Chaque infirmier a fait deux essais, malheureusement non concluants à chaque fois. Néanmoins, ils ont su s’arrêter à temps pour ne pas s’acharner. Si, au départ, je m’étais dit que je pouvais peut-être laisser poser le cathéter jusqu’à mon prochain rendez-vous, histoire de ne pas être charcutée deux fois en quatre jours, j’ai vite réalisé qu’il fallait d’abord trouver une veine qui accepte d’être piquée avant de parler d’une pose de cathéter.
Quand je suis arrivée dans le service du TEP, l’infirmier qui a découvert mes bras fleuris m’a demandé si c’était difficile de poser une perfusion. Apparemment il n’était pas spécialisée dans les cas de spéléologie de veines, donc il est allé chercher du renfort auprès d’un collègue. J’avais eu ma dose de fleurs pour la journée, et j’ai eu la chance qu’il puisse trouver une veine sur le coude. Le reste de l’examen est passé sans encombre, mais j’avoue que j’étais un peu dans le brouillard. J’ai tellement l’habitude de me faire charcuter pour les prises de sang que je n’ai même pas réalisé que c’était plutôt anormal de devoir me faire piquer cinq fois avant de trouver la bonne veine. (En plus, l’infirmier m’a expliqué qu’ils avaient changé le calibre du cathéter par rapport à d’habitude, car ils avaient peur que je ne supporte pas le calibre moyen. Comme si c’était ma faute !)
En rentrant chez moi, j’ai senti comme un énorme coup de fatigue qui m’est tombé dessus, et je suis allée me coucher. J’ai dormi pendant deux heures !

Le mardi suivant, c’était le jour de l’entéroscanner. J’avais rendez-vous à 14h, à jeun. On m’a fait boire un litre de préparation pour l’intestin. Le gars semblait désolé pour moi car il m’a dit que c’était vraiment pas bon mais que c’était obligatoire pour que les images ressortent bien. Je m’attendais à une potion aussi infecte que le Moviprep utilisé pour la coloscopie, alors j’ai été plutôt agréablement surprise. Bien sûr, je ne dirais pas que c’était bon, mais pour quelqu’un qui a l’habitude du Movicol, c’est totalement comparable. J’ai vu ça comme un signe, que l’examen serait plus facile que prévu.
Ensuite quand je suis passée en cabine et que le gars m’a donné les consignes pour me préparer à passer sur la table du scanner, je me suis exclamée : « Ah, mais alors il n’y a pas d’injection ! C’est fabuleux ! » et à sa tête, j’ai vu que je m’étais bien trompée. Bien sûr qu’il y a une injection madame, mais ne vous inquiétez pas, je vais vous poser la perf quand vous serez sur la table d’examen.
Comme je n’étais pas inquiète, je l’ai laissé se débrouiller avec son garot et mes veines spécialistes de la disparition. J’ai continué ma collection de fleurs. Une jacinthe rose, une tulipe violette. Le gars avait l’air surpris. Au bout du troisième essai, il a réussi à placer le cathéter. Il était fier d’avoir fait mieux que ses confrères de vendredi. Et moi j’étais soulagée !
Alors il a lancé le scanner, d’abord pour faire des images sans le produit injecté, puis il est revenu injecter le produit pour la deuxième série d’images. Je pense que c’est là où tout a dérapé. J’ai hurlé, parce que j’ai eu mal. J’ai ressenti une douleur comme un choc électrique, et ça a fait une anémone cramoisie sur mon bras. La veine avait claqué et le produit était passé à côté.
J’ai bien remarqué que le gars était embêté, mais il a continué à sonder, à chercher, et je l’ai laissé faire parce que je n’avais pas la force de protester. Déjà depuis le début, je claquais des dents (alors que j’étais habillée), de froid et d’angoisse. Il m’avait donné une couverture, qui m’a fait du bien, mais qui ne m’empêchait pas de trembler. Et bien sûr, est-ce que ça aide, pour poser une perfusion, d’avoir un bras qui grelotte ? La réponse est non !
J’ai continué à compter les vaines tentatives mais je ne disais plus rien. Le gars m’a fait remarquer que je n’étais décidément pas douillette ! Et hop, une nouvelle tulipe violette…
A la septième tentative, je me suis dit que je devais refuser qu’il s’acharne, que je devais lui dire d’aller chercher de l’aide auprès d’un collègue. Mais je n’ai pas trouvé la force. Et la septième a été la « bonne ».
Lorsque je me suis rhabillée dans la cabine, je me suis sentie mal, je m’en voulais de ne rien avoir dit.
Après le médecin m’a rendu pour me partager la bonne nouvelle (« on ne retrouve qu’un seul polype ») mais j’étais trop diminuée pour me réjouir.
Quand la secrétaire m’a rendu ma carte vitale et le compte-rendu, je n’avais plus de forces, à tel point que je n’ai pas réussi à ouvrir la porte pour sortir du bâtiment. J’ai essayé trois fois en vain. Mais je n’ai pas fait comme l’infirmier qui s’était acharné pour me faire un bouquet de fleurs sur les bras, j’ai demandé de l’aide à la secrétaire pour pouvoir sortir. « Ben, il faut juste tirer la porte, madame ! » Et là j’ai craqué, je me suis mise à pleurer d’un coup, en répondant : « Je n’ai plus de force, je vous demande juste de l’aide pour ouvrir la porte, s’il vous plait ! »
Durant le trajet du retour, j’ai été hantée par ce qui s’était passé pour me poser la perfusion. Je m’en suis voulu encore plus, d’être restée faible et sans réagir face à de l’acharnement même pas thérapeutique. J’ai envoyé un message au CRCM. Parce que oui, faire une injection ça ne pose pas de problème pour les médecins, les infirmières ont l’habitude des cas difficiles, etc. Mais en trois examens, j’ai été piquée 15 fois. 15 fois ! Et j’ai vraiment dérouillé même si je n’avais pas l’air. Si le médecin n’est pas conscient de cette difficulté, cela veut dire qu’il n’y fera pas attention à l’avenir. Ce que j’aimerais c’est qu’on puisse au moins regrouper les examens avec injection le même jour (ce qui n’est pas très facile à l’hôpital, mais si on m’envoie en ville, ça doit être totalement jouable !). Mais là, dans l’immédiat, je ne veux plus d’injection. Je ne veux plus de perfusions. Je ne veux plus de prise de sang. J’attends que mes fleurs se fanent, que le cycle des saisons fasse son oeuvre. Je pense que j’ai été traumatisée et que j’ai besoin de temps pour récupérer.

Rayons de sourire,
Jessica



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