Breathe

En 2018, j’ai eu la chance de témoigner lors du congrès européen des maladies respiratoires (European Respiratory Society Congress) organisé par l’association européenne des maladies respiratoires (ERS), qui se déroulait à Paris. (Petit rappel dans ce billet.) Cette expérience m’avait tellement plu que je me suis ensuite investie auprès de l’association ERS.
Certes, la situation sanitaire de ces derniers mois a mis en pause beaucoup de projets de conférences scientifiques, mais je ne désespère pas de reprendre une part active dans les conférences dédiées à la mucoviscidose !
A défaut de pouvoir prendre la parole devant un public, j’ai été sollicitée à nouveau par l’ERS, dans le cadre de la préparation de leur magazine Breathe (traduction : Respire), qui s’intéresse au fardeau thérapeutique. L’article est maintenant disponible (par ici) et je suis ravie de le partager avec les anglophones !


Pour donner un peu plus de vie aux mots de l’article, on m’a également demandé de préparer une petite vidéo qui illustre mon propos, disponible également sous l’onglet « Figures & Data ».



Et pour ceux qui ne sont pas très à l’aise avec mon accent typiquement britannique (!), je vous résume en quelques paragraphes les points abordés dans la vidéo :

En tant que patiente atteinte de mucoviscidose, je suis suivie par une équipe spécialisée dans un CRCM (Centre de Ressources et de Compétences pour la Mucoviscidose), où je me rends régulièrement. Tous les trois mois, je vois donc la pneumologue, pour réaliser des Explorations Fonctionnelles Respiratoires (EFR), et pour vérifier une possible infection pulmonaire lors d’un Examen Bactériologique de Crachats (ECBC). A l’occasion, je profite de ce rendez-vous pour caser une consultation avec la diététicienne, la psychologue, l’assistante sociale, l’ostéopathe, ou encore le coach sportif. Tous les six mois, je dois voir la diabétologue (depuis 2011 où j’ai commencé à développer un diabète de mucoviscidose) et l’ORL (pour vérifier l’évolution des polypes que j’ai dans le nez, qui sont apparus avant mes dix ans). Une fois par an, j’ai un bilan annuel à l’hôpital avec prise de sang complète, scanner et/ou radio des poumons, échographie abdominale, test de marche, EFR. (Je vous avais raconté mon dernier bilan dans ce billet.)



Chaque mois, je fais le plein à la pharmacie pour tous mes médicaments habituels. (A compléter de façon ad hoc, lorsque j’ai besoin d’antibiotiques additionnels pour contrer les infections.) Je remplis mon pilulier chaque semaine pour être sûre de ne rien oublier dans mon traitement : enzymes pour digérer, vitamines liposolubles, insuline, antibiotiques au long cours, aérosols…

Tous les jours je me rends chez le kiné pour une séance de kinésithérapie respiratoire. En plus du désencombrement bronchique, il peut également m’aider sur des exercices de posture ou de ventilation de la cage thoracique.



L’activité physique fait également partie de mon traitement quotidien. J’ai besoin d’une heure minimum par jour. Le plus souvent, je marche, mais dans ma vie « antérieure » (à la pandémie de covid), j’allais aussi à la danse et à la chorale une fois par semaine. Au siècle dernier (!), on n’incitait pas forcément les enfants mucos à faire du sport car on avait peur qu’ils ne puissent pas suivre le rythme, et du coup j’avais toujours une bonne excuse quand je voulais zapper le cours de sport (mea culpa). Néanmoins aujourd’hui les recommandations ont changé, car l’on s’est aperçu que les patients qui maintenaient une activité sportive régulière vivaient mieux (et plus longtemps !).
Je n’ai pas le droit de mettre mon traitement en pause, car la maladie me le fait payer très cher. La bonne observance des soins est critique, et pourtant elle ne garantit pas que la maladie ne va pas s’aggraver. Forcément, c’est frustrant, et difficile à accepter. Lors de périodes particulières (comme à l’adolescence ou lors du passage à la vie active), il est plus que tentant de vouloir faire un pied de nez à la maladie. L’équipe médicale est là pour nous soutenir durant ces crises, pour nous inciter à préserver au mieux notre capital santé. Encore faut-il être prêt à les écouter…

En vieillissant, la maladie évolue (et très très rarement en mieux, vous vous en doutez). Les aggravations de la maladie se voient différemment d’un patient à l’autre : la primo-colonisation au Pseudomonas, le début des cures intraveineuses, la mise en place d’une chambre implantable lorsque les cures IV deviennent régulières, l’apparition du diabète, les fuites urinaires, les hémoptysies à répétition, le bilan pré-greffe, etc.
Partager mon expérience avec d’autres patients m’a beaucoup aidée à accepter la maladie, surtout grâce aux rencontres avec des « plus vieux » que moi. La première muco que j’ai rencontrée avait 6 ans à ma naissance, et elle me paraissait incroyable. Toujours pleine d’énergie, elle avait plein d’idées pour jouer, et j’ai beaucoup de souvenirs avec elle, comme une grande sœur avec qui j’aurais apprivoisé la muco. (D’autant plus qu’à l’époque, on n’était pas encore sensibilisé à la contamination croisée entre patients, et on encourageait plutôt les patients à jouer ensemble.) Lors des Virades de l’Espoir, c’était la championne pour mobiliser les donateurs. Mon rêve, c’était d’arriver à remporter à sa place la coupe de celle qui avait rapporté le plus de dons à l’association. Quand elle est décédée, si jeune, « à cause d’avoir trop toussé », mon monde s’est écroulé. Tout d’un coup, la mucoviscidose m’apparaissait à nouveau comme une fatalité, je pensais ne pas vivre après mon dixième anniversaire, et je ne voyais pas l’intérêt d’élaborer des projets à long terme.
Heureusement que j’ai pu rebondir, grâce au soutien de ma famille, de mes amis, et de mon équipe médicale. Aujourd’hui j’ai des projets plein la tête, et je compte bien motiver les patients plus jeunes à toujours garder espoir.
Depuis plusieurs années, les mucos ont appris à se protéger et à protéger les autres des contaminations croisées lors des rendez-vous à l’hôpital ou lors des rencontres entre patients organisées par l’association Vaincre la mucoviscidose. (On n’avait pas attendu la pandémie de covid pour porter un masque chirurgical en présence d’autres patients, ni pour se laver les mains régulièrement !) Même si ces rencontres physiques me manquent depuis quelques mois, il est tout de même facile aujourd’hui de pouvoir échanger à distance entre patients. Téléphone, message, forum de discussion, réseaux sociaux, on a le choix des moyens de communication pour trouver une écoute qui va comprendre les difficultés traversées, et pourquoi pas un exemple de quelqu’un qui a réussi à se sortir d’une épreuve commune.

En voyant les progrès réalisés depuis cinquante ans, j’ai grand espoir que la recherche va aboutir à éradiquer la mucoviscidose. Ne lâchons rien, et continuons à nous battre !

Rayons de sourire,
Jessica

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Haut de page