La richesse des SHS

Lundi dernier j’ai eu l’honneur de participer à la journée « Les Sciences Humaines et Sociales et la mucoviscidose », organisée conjointement par Vaincre la Mucoviscidose et l’Association Grégory Lemarchal.
Dans les prestigieux locaux de l’Assemblée Nationale, plusieurs chercheurs sont venus nous exposer les avancées de leurs travaux de recherche, soutenus par les associations. Même si les associations ont l’ambition de soutenir financièrement les projets de recherche en sciences humaines et sociales, très peu de chercheurs les sollicitent. L’objectif de cette journée était donc de renforcer la coopération entre les différentes parties prenantes, et de donner des idées de pistes de recherche aux chercheurs, pour qu’ils puissent participer aux prochains appels à projets.



En France, les Sciences Humaines et Sociales (SHS) regroupent des dizaines de disciplines :

  • SHS1 : marchés et organisations (économie, finances, management)
  • SHS2 : normes, institutions et comportements sociaux (droit, science politique, sociologie, anthropologie, ethnologie, démographie, information et communication)
  • SHS3 : espace; environnement et sociétés (études environnementales, géographie physique, géographie sociale, géographie urbaine et régionale, aménagement du territoire)
  • SHS4 : esprit humain, langage, éducation (sciences cognitives, sciences du langage, psychologie, sciences de l’éducation, STAPS)
  • SHS5 : langues, textes, arts et cultures (langues, littérature, arts, philosophie, religion, histoire des idées)
  • SHS6 : mondes anciens et contemporains (préhistoire, archéologie, histoire, histoire de l’art)


La matinée de cette journée a donné la parole à différents porteurs de projets.

  • Sylvain Ferez, de l’université de Montpellier : « Malades invisibles ? Etude de la reconfiguration du stigmate dans l’environnement scolaire et professionnel après la transplantation pulmonaire chez les personnes vivant avec la mucoviscidose »
  • Virginie Loizeau, de l’université de Rennes 2 : « La construction de la qualité de l’air intérieur par les habitants : le cas de la mucoviscidose et de l’asthme infantile en Bretagne »
  • Françoise Simonnet-Bisson du CRCM Adulte de l’Hôpital Lyon Sud : « Intimités des femmes atteintes de mucoviscidose : troubles de la vie sexuelle, troubles trophiques associés à la mucoviscidose » Ce sujet tellement vaste met en lumière la dimension de santé affective et sexuelle, sujet quasiment pas abordé par le médecin en consultation. Je vous avais parlé de ma participation à cette étude dans ce billet !
  • Alexandre Mathieu-Fritz et Dilara Trupia, de l’université Gustave Eiffel : « Accompagnement à l’Autonomie en Santé des patients adultes atteints de mucoviscidose à l’aide des nouvelles Technologies et en partenariat avec leur équipe soignante » En plein essor des outils connectés, l’équipe a suivi plusieurs patients qui pouvaient utiliser jusqu’à trois outils connectés dans leur parcours de soins.
  • Dominique Pougheon et Cécile Frenod, de l’université de Sorbonne Paris Nord : « Expérience Patient du Parcours Mucoviscidose pendant la période de Covid-19 » (ExPaParM) Dans cette approche, ce qui est très intéressant, c’est que les chercheurs ont formé et intégré des patients, qui sont donc devenus co-chercheurs sur l’étude.
  • Maxime Morsa de l’université de Sorbonne Paris Nord : « Apprendre à s’auto-déterminer au cours de la transition pédiatrie-soins adultes : une étude qualitative de type longitudinal » Dans l’étude Mukado, les chercheurs utilisent la photo-élicitation pour illustrer ce que signifie devenir adulte. Le principe : « prends une photo qui raconte ce que signifie devenir adulte pour toi » Ensuite, on se base sur la photo sélectionnée pour faire parler le jeune, ce qui donne des échanges beaucoup plus nourris qu’une simple question ouverte.
  • Hélène Riazuelo de l’université Paris - Nanterre : « Relations entre pairs et processus adolescent de jeunes atteints de mucoviscidose. Processus sociaux, anthropologiques et psychiques » Il est assez intéressant de relever qu’un adolescent ne se sent malade que lorsqu’il observe une dégradation de son état de santé, alors qu’il est toujours malade, sur le plan clinique.
  • Raphaëlle Ladune, université Côte d’Azur de Nice : « Promotion de l’activité physique chez les patients atteints de mucoviscidose : développement d’outils de mesure de la balance décisionnelle » En cherchant à identifier les barrières et les facilitateurs à l’activité physique pour les patients, Raphaëlle a pour objectif d’introduire les recommandations en activité physique pour les patients, soit 150 minutes par semaine d’activité physique modérée (style marche) ou 75 minutes d’activité physique soutenue (style course) en plus de deux séances hebdomadaires de renforcement musculaire. Même les non patients ont des leçons à tirer de cette étude !
  • Anne Jacob, de l’hôpital Cochin à Paris : « Expérience, attentes et besoins des familles avec un parent atteint de mucoviscidose. Etude exploratoire auprès des patients et de leurs enfants. » (MucoKids)
  • Céline Lefève, université Paris Cité : « Enjeux psychosociaux des nouveaux traitements - mucoviscidose et drépanocytose. » Qu’est-ce que revivre après un traitement ? Comment décrire et caractériser la nouvelle vie des ces patients ? Comment qualifier l’ambivalence de ce qui se joue entre perte de soi et gain de puissance d’agir ? L’accélération de la temporalité de l’existence, lorsque le patient accède à un traitement révolutionnaire, ne peut pas se faire sans questionnement.


Dans l’après-midi, le Professeur Marcel Calvez est venu nous parler des recherches sur le VIH sida après les tri-thérapies, et des leçons que nous pouvions en tirer pour la population muco (de la même manière que l’intervention en plénière lors de la dernière Assemblée Générale de Vaincre la Muco). Le soin ne se limite pas à la médecine, la qualité de vie des patients est à prendre en compte pour qu’ils adhèrent à leur parcours de soins.
Puis Laura Benkemoun de la Fondation Maladies rares, conseillère recherche auprès des associations, a fait un retour sur les priorités de recherche en SHS relayées par les patients et les proches. Différents thèmes se sont dégagés d’un brainstorming, de la perception de soi à la charge mentale, de la gestion es émotions à la vie de couple ou la vie professionnelle, pour lesquels Laura a proposé des pistes de recherche.
Enfin, Laura a animé une table ronde sur le thème de « Comment multiplier le nombre de projets collaboratifs ? », où l’on croisait les points de vue de soignants, chercheurs, patients, ou représentants des associations.

Je retiens deux aspects de ces échanges :
Tout d’abord, le fait d’arriver à utiliser un langage commun. Il faut nourrir le dialogue entre patients, chercheurs, médecins et financeurs. Les chercheurs sont friands du feedback des patients, et inversement. Les chercheurs attendent de nous que nous allions vers eux en exprimant nos problèmes.
Deuxième point : la temporalité de ces études ne doit pas être négligée. La recherche en SHS prend énormément de temps, ce à quoi je n’étais pas forcément sensibilisée. Retranscrire des heures d’entretien, pour en dégager des thèmes communs et des problématiques communes, prend plus de temps que d’analyser des données chiffrées de bilan sanguin par exemple. Le temps de la recherche est estimé à 3 ou 4 ans pour un projet !

En conclusion, le champ des SHS est d’une richesse immense. Néanmoins, pour utiliser pleinement les résultats de ces recherches, il nous faut développer la communication et la vulgarisation de ces travaux, pour que les patients en retirent une application concrète.

Rayons de sourire,
Jessica

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