J'émerge peu à peu de la bulle où j'étais enfermée depuis deux semaines, et
ça fait du bien !
J'ai l'impression de redécouvrir des sensations très simples, mais ô combien
essentielles pour pouvoir profiter de la vie. Par exemple, sentir l'air qui
descend dans mes poumons sans entendre de sifflements, pouvoir marcher 50
mètres sans m'étouffer, dormir d'un trait sans être réveillée par d'horribles
quintes de toux, savourer le goût des aliments sans l'arrière-goût des
antibiotiques...
Je pensais que la cure d'antibiotiques ferait effet plus vite, mais au final,
ce qui compte, c'est que j'en ressente les bienfaits. Dans le même temps où je
goûte à nouveau aux petits plaisirs de la vie, je retrouve mon énergie
positive. Cette parenthèse m'aura fait du bien, j'ai pu me reposer, me
ressourcer, mais maintenant, j'ai envie de retrouver un peu
d'action !
Je ne me rappelle pas avoir passé autant de temps sans "rien faire", ce n'est
vraiment pas ma spécialité. Or, cette fois-ci, j'ai totalement décroché de
tout, pour me concentrer sur mes soins et le repos. J'ai enchaîné les grasses
matinées et les siestes, sans oublier de mettre le réveil pour ne pas rater les
horaires des perfusions. Plus qu'une journée de traitement et je vais pouvoir
passer à l'hôpital me faire enlever le picc-line. J'ai hâte de retrouver mon
bras droit et toutes ses fonctions ! (mine de rien, c'est pratique,
d'avoir deux bras valides, on ne s'en rend pas toujours compte...)
Et puis, on dirait que la météo s'est réglée sur mon humeur. Le soleil refait
son apparition, les températures ont grimpé, c'est très agréable de sortir se
promener. Alors qu'il y a deux semaines, j'avais énormément de mal à faire un
tour en allant au bout de la rue (je n'avais plus d'air pour pouvoir revenir
par contre...), aujourd'hui j'ai pu aller à la Poste sans aucun problème (200
mètres). ça n'a l'air de rien, comme ça, mais pour moi, ça veut dire
beaucoup.
Bien sûr, il n'y a pas que des bonnes nouvelles qui circulent en ce moment, je
pense notamment à C. qui nous a quittés. Pourtant, je me sens plus sereine pour
faire face à la dureté de cette p*** de maladie. Il n'y aura jamais de semaine
sans son lot de tragédies, mais ça doit nous pousser à chérir d'autant plus nos
souvenirs heureux, à en créer de nouveaux, et à penser positif. Alors, en
avant !
Rayons de sourire,
Jessica
Jeanne - 3 décembre 2001
Or, si j’acceptais de me faire poser une chambre implantable, j’allais gagner en autonomie. Elle m’avait assuré que tous ses patients qui avaient opté pour le port-à-cath profitaient à fond de ce nouveau confort et répétaient à l’envi qu’ils auraient dû le faire poser plus tôt. Apparemment, ce n’était pas non plus très contraignant hors période de cure. C’était plus l’opération qui m’angoissait. Surtout quand le chirurgien m’avait dit de ne pas m’inquiéter car je ne sentirais rien grâce à l’anesthésie locale. Comment ça, « locale » ? Il était très fier de m’annoncer que grâce aux progrès de la science, on pouvait m’éviter l’anesthésie générale. Il allait juste ouvrir au niveau de la jugulaire, faire une petite incision à la base du cou, une autre au-dessus du cœur pour y loger la chambre implantable et les tuyaux qui étaient reliés. Au vu de mon gabarit, le chirurgien avait opté pour un « baby port-à-cath », de format pédiatrique, dont la durée de vie était estimée entre cinq à dix ans. Le protocole était de rincer le dispositif une fois par mois quand je n’étais pas en cure, et à chaque perfusion dans le cas contraire.
Lorsque j’aurais besoin d’intraveineuses, il faudrait prendre une aiguille de Huber, 19G, à la tête légèrement recourbée. Elle entrait directement dans le boîtier, en faisant un petit bruit comme si elle se clipsait, oui c’est ça : comme lors de la fermeture d’un Tupperware. Les produits qui transitaient par l’aiguille passaient ensuite par le tuyau, pour finalement arriver dans la jugulaire et être déversés dans tout mon réseau sanguin. Le gros avantage, c’était que je n’étais plus handicapée par mes bras pendant la cure. Bien sûr, il ne me serait jamais venu à l’idée de forcer en portant des sacs lourds. Cependant, mine de rien, il y avait une multitude de petits détails du quotidien pour lesquels il était nettement plus avantageux d’avoir la pleine possession de ses deux bras. Par exemple, pour écrire. Aussi bête que ça. Ou encore pour se brosser les dents, se coiffer, porter son plateau à la cantine. Ne parlons pas de couper un steak. Si besoin, je pouvais même aller jusqu’à m’administrer moi-même les perfs. Ça représentait un pas de géant vers l’indépendance.