Hier, en franchissant les portes de l’hôpital Cochin, je me suis sentie
comme une petite fille qui fait sa rentrée des classes. Intimidée par les
différents bâtiments, je me suis un peu perdue dans cette mini ville nichée au
cœur de la grande ville. (Forcément, la pluie battante qui était venue
m’accueillir ne m’a pas aidée à me repérer du premier coup !)
Donc voilà mon prochain CRCM (= Centre de Ressources et de Compétences de la
Mucoviscidose). J’ai repensé à ma première impression lors de mon accueil au
CRCM de Foch, à Suresnes, il y a de ça plus de 10 ans. A l’époque, je n’avais
jamais mis les pieds à l’hôpital, à part pour mes journées de bilan annuel,
mais je n’étais pas pleinement consciente de ce que ça impliquait car je ne
faisais que suivre mes parents d’un examen à l’autre, d’un pavillon à l’autre.
Depuis que je suis passée en « suivi adultes », je me rends bien compte de
l’organisation d’une journée de bilan.
J’avais juste oublié la dimension bureaucratique ! En effet, j’ai dû
passer au service Admissions, constituer mon dossier pour l’hôpital, et
expliquer pourquoi je suis encore prise en charge par la Sécu des Français de
l’étranger. (Je ne peux basculer à la caisse de Sécurité Sociale
« classique » qu’à partir du moment où j’ai un contrat de travail en
France, bien sûr !) Je n’avais pas le bon papier (le mien était vert, pas
rose), mais on m’a fait une faveur de préparer mon dossier comme il faut.
Après ça, je suis passée au CRCM proprement dit, et j’ai été reçue comme une
princesse. Tous les professionnels que j’ai croisés étaient vraiment souriants,
aimables, heureux de m’aider. La pneumologue a passé une grande partie de
l’après-midi avec moi, pour me connaître, revoir mon dossier médical,
comprendre mes antécédents, elle m’a même parlé d’avenir et des prochains
programmes de recherche (qui pourraient d’ailleurs concerner mes mutations)
!
J’ai soufflé. Même si les EFR me paraissent un peu faibles par rapport à mes
valeurs historiques, ils sont plutôt bons pour mon âge ! Je suis juste
au-dessus de 70% des valeurs théoriques.
Pareil pour mon poids. Je pense que je devrais faire 1 ou 2 kg de plus, mais
les médecins que j’ai vus en étaient très contents car ils m’ont dit que la
majorité de leurs patients faisaient plutôt 10 kg de moins que moi.
J’ai craché, même si je n’ai pu remplir que deux des trois tubes. J’aurai les
résultats dans une semaine, mais pas besoin d’être laborantin pour savoir que
ce que j’ai sorti de mes poumons est plein de petits Pseudomonas ! La
pneumo m’a proposé de reprendre les aérosols de TOBI pour un mois, et ensuite
on verra si j’ai pu me débarrasser de ces crachats dégueulasses, ou si j’ai
besoin de ressortir l’artillerie lourde avec une nouvelle cure de
perfusions.
Côté diabète, mes objectifs de glycémie ont été modifiés à la baisse, plus
stricts, mais c’est pour mon bien, et je vois ça comme un nouveau challenge à
relever. Le fait de manger du « vert » à chaque repas (souvent, une
salade) m’a bien aidée ces dernières semaines à atteindre mes objectifs.
En résumé : un bilan plutôt positif, surtout une très bonne prise de
contact avec l’équipe pluridisciplinaire que je retrouverai fin juin pour
vérifier si la TOBI a produit l’effet escompté !
Rayons de sourire,
Jessica
Jeanne – 22 septembre 2002
La salle d’attente de l’hôpital était en elle-même une épreuve. Je voyais défiler des patients très mal en point. Ce n’était pas souvent des personnes âgées au sens du troisième âge, mais elles paraissaient beaucoup plus que leur âge. Elles avaient dû être sacrément abîmées par la vie. Pas précisément le genre de modèle de « grand muco » que j’avais en tête. Je me demandais ce que je faisais là, car je ne me sentais pas appartenir à cette catégorie. Ce fut là que je vis pour la première fois quelqu’un portant sa bouteille d’oxygène. « Porter » n’était pas vraiment le mot juste car le pauvre n’avait plus de force pour porter quoi que ce soit. Il tirait sa bouteille dans un petit caddie à roulettes qui le suivait. C’était complètement débile de ma part, mais je paniquai instantanément à l’idée de me retrouver dans cet état-là dans dix ans. Pourquoi cette projection improbable ? Pour en arriver là, il devait avoir une très faible capacité respiratoire, or c’était loin d’être mon cas. Je n’avais même pas vingt ans, il en paraissait le double. Lors de cette première visite, je n’avais pas vraiment réalisé ce que cela signifiait. Certes, il était sous oxygène et dorénavant sa maladie était visible aux yeux de tous, mais il était VIVANT. A ma naissance, les médecins avaient prévenu mes parents que l’espérance de vie d’un enfant muco ne dépassait pas les dix ans. Vingt ans plus tard, grâce à l’amélioration de la qualité des soins et de la qualité de vie, on l’estimait autour de trente ans. Je ne m’émerveillais pas assez de ce phénomène. C’était un bond de géant, même si les chiffres en eux-mêmes ne voulaient rien dire. Ce qui comptait, et j’en étais la preuve vivante, c’était qu’on pouvait vivre avec la muco. Une grande partie de la population muco en France était maintenant majeure, à tel point que les structures s’étaient adaptées. Les adultes n’étaient plus suivis en pédiatrie. Les CRCM pour adultes visaient à prendre en charge les évolutions de la maladie spécifiques à l’âge adulte. Il y avait même un Conseil des Patients au sein de l’association Vaincre la Muco , et un département pour accompagner les patients dans leur vie professionnelle. Ça démontrait bien que je pouvais élaborer des plans d’avenir !