Après avoir suivi l’atelier consacré à la reconnaissance administrative du handicap à l’ère des modulateurs lors des Journées Francophones de la Mucoviscidose à Tours, voici un compte-rendu.
(Pour info, le replay des séances plénières est maintenant disponible sur ce lien : Plénière La mucoviscidose à l’ère des modulateurs - Perspectives de recherches pour les patients non éligibles aux modulateurs et les greffés - et enfin, l’Assemblée Générale avec, en conclusion, le discours de notre nouveau Président, David Fiant !)
Cet atelier, animé par Danièle Vient, assistante sociale du CRCM de Giens, a eu beaucoup de succès, étant donné le grand nombre de patients qui se retrouvent confrontés à cette problématique, avec l’arrivée sur le marché des modulateurs de CFTR.
En effet, la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH), qui traite les dossiers de demande d’aide spécifiques aux personnes handicapées, se base sur les difficultés aux gestes de la vie quotidienne ainsi que les freins à l’insertion professionnelle, pour attribuer des prestations. (Petit rappel si besoin, la MDPH statue sur plusieurs droits : l’Allocation d’Education de l’Enfant Handicapé (AEEH), l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH), la carte d’invalidité ou de priorité, la carte de stationnement, l’orientation vers un établissement ou service médico-social (ESMS), la Prestation de Compensation du Handicap (PCH), le renouvellement d’Allocation Compensatrice (ACTP ou ACFP), le projet personnalisé de scolarisation, l’orientation professionnelle et/ou formation professionnelle, la Reconnaissance de Travailleur Handicapé (RQTH), l’affiliation gratuite à l’Assurance Vieillesse des Parents au Foyer (AVPF)).
Or, les traitements innovants améliorent considérablement ces deux domaines. Aussi bien au niveau de la diminution de la charge thérapeutique, (notamment en ce qui concerne les cures d’antibiotiques), mais également au niveau de l’augmentation des capacités physiques générales. Sous Kaftrio, je me sens revivre, car je suis moins essoufflée, j’ai plus d’endurance, je suis moins encombrée… Il y a même des jours où j’ai la (fausse) impression d’être guérie !
Néanmoins, ne perdons pas de vue que ces médicaments ont des limites : ils sont très récents, nous manquons donc de recul sur les effets indésirables notamment, mais aussi sur l’évolution à moyen ou long terme, associée à la prise d’un médicament à vie. Et puis, il ne faut pas oublier les situations irréversibles, causées par la maladie qui a détruit une partie des poumons depuis plusieurs années.
Rappelons donc que la mucoviscidose est toujours une maladie génétique grave, évolutive, contraignante, incurable et mortelle. Les traitements innovants améliorent significativement l’état de santé des patients, sans toutefois les guérir. La disparition des symptômes respiratoires ne fait donc pas disparaître le handicap !
L’assistante sociale a différencié l’impact selon l’âge et le stade de la maladie. Pour les adultes au-delà de 40 ans, clairement, le présent est conditionné par l’histoire de la maladie. Les adultes qui se sentent mieux aujourd’hui ont besoin d’un accompagnement, d’un reconditionnement physique, maintenant que les modulateurs leur permettent de retrouver une forme physique. Ils peuvent mettre en marche un programme de réhabilitation pour utiliser au mieux leur nouveau corps.
Les jeunes adultes (entre 20 et 40 ans) peuvent faire une demande d’aide à la (re)construction, et notamment une demande d’accompagnement sur leur projet professionnel. Il faut veiller à ce qu’une amélioration de la qualité de vie n’induise pas une fragilisation sociale. Les patients qui n’ont pas pu suivre d’études à cause de la maladie et qui se retrouvent aujourd’hui en état de construire un projet professionnel peuvent être accompagnés.
Quant aux enfants qui se situent en phase intermédiaire, c’est-à-dire lorsque la maladie n’a pas encore laissé de traces indélébiles, ils doivent adopter un nouveau regard sur la maladie. La mucoviscidose va rester une maladie chronique invalidante, et c’est cet aspect-là qui doit être bien expliqué dans les dossiers administratifs.
Gardons en tête que la mucoviscidose est une maladie plurielle. Chaque patient la vit (et la subit) différemment, et c’est son propre ressenti qu’il faut arriver à raconter à la MDPH.
Vivre avec la mucoviscidose au quotidien, c’est suivre un traitement contraignant, à vie, avec prise de médicaments, aérosols, antibiothérapie, kinésithérapie respiratoire. L’arsenal thérapeutique se corse en période de surinfection, ce qui arrivera moins fréquemment sous modulateurs, mais cela reste une évolution possible. Les modulateurs, et surtout Kaftrio, sont considérés comme une révolution thérapeutique, mais pas comme un traitement miracle. Si les symptômes respiratoires disparaissent, ou tout du moins deviennent invisibles, il faut nous battre pour une bonne et juste reconnaissance du handicap.
Pour cela, Manon Simon, assistante sociale du travail et élue au conseil Qualité de Vie de Vaincre la Mucoviscidose, conseille un modèle de reconnaissance hybride de style « médico-social », dans lequel il faut prendre en considération les conséquences de la maladie sur la vie sociale et professionnelle, et mettre en avant les limitations sur les habitudes de vie. Des gestes considérés simples pour des personnes sans souci de santé peuvent se révéler plus délicats pour des personnes souffrant d’un handicap invisible. (Monter trois marches, se brosser les cheveux ou les dents, quand on est en situation d’insuffisance respiratoire, c’est une vraie difficulté. Les dérangements intestinaux qui limitent une vie sociale, c'est une réalité dont on se passerait bien, et pourtant, on les passe souvent sous silence.)
Les situations de handicap sont à adapter en fonction des besoins et des projets de chacun. De plus, les MDPH n’ont pas un référentiel national. Chaque département statue sur ses dossiers, et certaines MDPH ne connaissent pas bien la mucoviscidose. Il ne faut donc pas hésiter à raconter une journée type, et à montrer quelles contraintes la maladie fait peser au quotidien.
Il existe des mesures de compensation du handicap. J’ai entendu parler pour la première fois de la Restriction Substantielle et Durable pour l’Accès à l’Emploi (RSDAE), qui permet une ouverture de droit à l’AAH avec un taux d’incapacité entre 50% et 79%.
Les dispositifs spécifiques de retour dans l’emploi sont également méconnus au sein de la population muco. La RQTH (que je vous avais expliquée dans ce billet), un bilan de compétences, ou encore un projet de formation, sont des actions que la MDPH peut mener avec vous.
En tant que professionnels, vous pouvez solliciter le médecin du travail, mais aussi le référent handicap de l’entreprise (si vous êtes en poste), ou un référent handicap indépendant. Il existe aussi un assistant social du travail, aguerri à ce genre de questionnements, et bien sûr le chargé de mission Vie professionnelle de Vaincre la Mucoviscidose (qui a été particulièrement efficace dans mon cas).
En conclusion, l’arrivée de ces nouveaux traitements constitue un formidable espoir pour tous les patients, néanmoins, il va falloir encore nous battre. Le combat continue, mais la bonne nouvelle c’est que nous pouvons être accompagnés et conseillés pour faire face aux méandres administratifs !
Rayons de sourire,
Jessica